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Travers-sons

Notre coup de coeur

Béla BARTÓK (1881 - 1945)

Le Château de Barbe-bleue

Lásló Polgár - Ildikó Komlósi
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer

Cote Médiathèque

EB3602

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Dans le domaine de l'opéra qui cristallise si facilement l'esprit d'innovation, la période 1900-1916 fait apparaître une production significative d'opéras en un acte : Salomé et Elektra de Richard Strauss, Erwartung d'Arnold Schoenberg, Le Château de Barbe-Bleue de Belá Bartók ou Eine Florentinische Tragödie de Zemlinsky. La vogue de l'acte unique répond à des considérations extérieures et historiques : désir de rompre avec le romantisme théâtral (et avant tout avec Wagner) aussi bien qu'esthétiques. Intention dramatique : intériorisation des conflits, leur violence, la recherche de l'expression violente du moi en crise par l'action resserrée, l'élimination de tout superflu, de tout ornement. Destruction également du schéma du XIXe siècle : un ténor et une soprano contrariés par le baryton et la mezzo. Le couple homme-femme fondateur ne disparaît pas, bien au contraire, mais son aventure est intériorisée en ses seules dimensions. Le sujet n'est plus le couple menacé par une tierce personne, avec le théâtre qui s'ensuit, mais le couple en soi, dans son impossibilité ontologique. Dans une parabole pessimiste, l'opéra de Bartók décrit l’affrontement entre Barbe-Bleue et sa quatrième femme, Judith. Le conte, riche en allusions allégoriques, permet des lectures multiples. On peut y lire la condamnation de la curiosité féminine (les portes interdites étant une autre forme de la pomme d’Adam et Eve ou de la boîte de Pandore), le conflit entre l’homme, rationnel et créateur, et la femme, inspiratrice et intuitive, ou la destruction de l’équilibre d’un couple quand un des partenaires veut en savoir trop sur l’autre. Certains commentateurs lisent même ce livret comme une figure du destin de Béla Bartók en personne. Et il est vrai qu'en écoutant ce nouvel enregistrement, nous avons l'impression d'être devant le conflit entre un homme et une femme. Polgar n'est pas un duc hautain, mais un homme un peu las, un peu timide qui essaie pour une dernière fois de trouver la femme idéale pour partager son monde et ses angoisses. Ildikó Komlósi est une femme inquiète, sans doute en raison des rumeurs terribles qui courent sur son nouveau mari, mais aussi une femme curieuse, volontaire, qui va au-delà de ses peurs pour essayer de découvrir les terribles mystères du château. Iván Fischer (à ne pas confondre avec son frère Adam Fischer qui a lui aussi enregistré l'opéra de Bartók avec Eva Marton et Samuel Ramey EB3593) dessine un Bartók âpre, aux sonorités grincantes, dures, noires. En créant un dialogue intime, Fischer atténue la dynamique de l'orchestre, ne laissant pas celui-ci exprimer toute la puissance des moments illusoires de triomphe. Le tempo est rapide (cinquante-cinq minutes, quand les autres mettent plus d'une heure) et par moment implacable comme le destin. Mais c'est aussi une version qui permet aux solos instrumentaux de l'orchestre de se déployer dans l'espace et de créer un nouveau dialogue avec les protagonistes.
 

BvL    

 

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