Pierre Boulez - L'Interprète

 
Wagner - Das Rheingold - DW1850

 

 

 

 

Pierre Boulez n'a jamais visé la carrière de chef d'orchestre. Elle s'est imposée à lui par hasard et par nécessité. Sa formation s'est faite sur le tas, par le travail lent et obstiné avec les musiciens de la fosse du Théâtre Marigny. Plus tard, en raison de la carence de chefs d'orchestre acceptant de diriger des concerts consacrés à la création d'œuvres nouvelles, Boulez est bien obligé de se jeter à l'eau. Un coup du sort, la maladie d'Hans Rosbaud, oblige Boulez à reprendre sa place de chef. Au début, on appelait Boulez pour familiariser les orchestres avec la musique récente. Mais comme on ne vend pas les abonnements de concert uniquement sur des créations, Boulez a dû se mettre au "grand répertoire".

Sa brillante prestation pour le Wozzeck de Berg à l'Opéra de Paris (EB5634) entraîne son engagement à Bayreuth d'une part, pour Parsifal (DW2239 et DW2253) en remplacement de Hans Knappertsbush subitement décédé et à Londres d'autre part, avec l'Orchestre de la BBC. George Szell, qui dirigeait fréquemment le Concertgebouw d'Amsterdam, entend parler de lui et l'invite régulièrement à la tête de son Orchestre de Cleveland. Et bien vite, c'est au tour de l'Orchestre Philharmonique de New York de l'engager comme directeur musical. Avec cet orchestre, il lancera les concerts Rugs, concerts inspirés des Proms de Londres et destinés à élargir le public de la musique classique. Parti de la musique contemporaine, Boulez vit l'histoire de la musique à reculons. Au grand répertoire, il apporte une précision absolue, une recherche de la perfection objective. " Pierre Boulez est le dieu total de la direction d'orchestre ; il possède toutes les qualités qu'on attend d'un chef : la musicalité, la rigueur, la chaleur, la courtoisie, et, par dessus tout, l'intelligence. Il a une oreille absolue, sans équivalent. […] Il s'efforce constamment d'aider les musiciens ".

" A le voir diriger à mains nues, à voir cette simplicité du geste et de l'allure, cette souplesse, ce calme aimable et respectueux, on comprend en quoi Pierre Boulez n'est pas un chef d'orchestre comme les autres : il ne cherche jamais à utiliser les musiciens pour parvenir à ses fins. Son art est tout à fait opposé à celui d'un Sergiu Celibidache, grand chef, mais qui met ses troupes dans un état d'insécurité tel qu'il engourdit chez ses musiciens toute velléité d'expression musicale individuelle. "

On admire la direction de Boulez en premier pour sa clarté, pour la lisibilité des plans sonores, la précision de sa rythmique, la fluidité du discours. Sa formation de compositeur lui donne une perspicacité rare pour mettre en évidence la structure et la forme d'une œuvre. Elle stimule son imagination dans son travail esthétique.

La carrière d'un chef de renom est indissociable de l'enregistrement sonore. Commencée chez Lucien Adès, un éditeur français passionné de musique contemporaine, la carrière discographique de Boulez s'inscrit dans le prolongement du Domaine musical. Les œuvres de Boulez y côtoient les noms de Stockhausen, Varèse ou Pousseur (FA0052, EM4419, ES8346, ES2653, EV1959). Un concert fameux au Théâtre des Champs-Élysées est immédiatement suivit par l'enregistrement, pour la Guilde du Disque, d'un Sacre du Printemps de Stravinsky qui fera figure de référence (ES8346). La carrière de Boulez se développant, la firme CBS (ancêtre de Sony Classical) l'engage pour l'enregistrement de Wozzeck (EB8634). L'idée de Boulez était de réaliser pour l'éditeur américano-japonais " une encyclopédie sonore des grandes oeuvres du vingtième siècle ; pas une chose énorme à acheter en une seule fois, mais une sorte de série dans laquelle les mélomanes auraient pu puiser peu à peu selon leurs désirs ".

Durant les années 70 et 80, paraissent de nombreux et passionnants disques consacrés à Debussy (ED3045), Ravel (ER2036), Schoenberg (ES2333, ES2350, ES2566, ES2584, ES2598, ES2618, ES2659) Webern (EW2505), Berg (EB5462, EB5777), Varèse (EV1852), Stravinsky (ES8194, ES8218, ES8373), Falla (EF1157), Scriabine (EB2600) et Bartók (EB2479, EB2562, EB2600, EB3588). Parmi une cinquantaine d'enregistrements, on est peut-être surpris de découvrir le nom de Berlioz, mais entre agitateurs d'idées, on se comprend très bien (DB3096), étonné par la présence de Beethoven (pour une 5e symphonie surprenante, avec un scherzo en staccato, mais malheureusement l'enregistrement, non réédité en CD, est une rareté absolue) et surtout le nom de Haendel pour la Water Music et les Royal Fireworks Music (BH1156) dans des interprétations "classiques" de cette musique baroque car Boulez rejette les interprétations "à l'ancienne".

Au tournant des années nonante, Boulez enregistre pour Erato de la musique contemporaine [Kurtag, Birtwistle, Grisey (FK9612), Carter (EC1577), Dufourt (FD9406), Donatoni (FA0126)] avec l'Ensemble Intercontemporain, et pour Deutsche Grammophon le répertoire du XIXe et du XXe siècle. Une bonne partie du répertoire paru chez CBS est réenregistré, parfois en mieux, parfois pas. Mais surtout, le répertoire s'élargit, en prenant de nouvelles œuvres chez ses compositeurs favoris [la Symphonie des psaumes de Stravinsky (ES8505), Cantata profana de Bartók (EB2598) ou le Concerto pour piano de Scriabine (ES3095)]. Par contre, ce qui est la grande originalité du répertoire de Pierre Boulez, c'est l'enregistrement progressif de l'œuvre symphonique de Gustav Mahler (Symphonie n°1 (DM0357), 3 (DM0469), 4 (DM0561), 5 (DM0636), 6 (DM0690), 7 (DM0726), 9 (DM0910), des lieder (DM1230) et le Das Lied von der Erde (DM1145).

Boulez semble abonné aux anniversaires auxquels des organisateurs veulent donner un parfum de provocation. Le cinquantième anniversaire de la création du Sacre du printemps de Stravinsky fut prétexte à un concert mémorable au Théâtre des Champs Elysées (ES8060). Le centenaire de la création du Ring de Richard Wagner donna lieu à une production mythique (en CD ou en DVD : DW1850, DW1912, DW2010, DW2059) qui secoua tout le monde de l'opéra. Et à l'occasion du centenaire de la mort d'Anton Bruckner, Boulez fut invité à diriger la Philharmonie de Vienne dans la 8e Symphonie, à quelques pas du tombeau du compositeur dans l'abbaye de Saint Florian (DB9539 et DB9549).

L’enregistrement radiophonique du concert (Stravinsky, Debussy, Bartok) a été édité par Montaigne réf. Médiathèque ES8060

Vous pouvez toujours vous faire une idée du Beethoven dirigé par Boulez dans un enregistrement de concert du BBC Symphony Orchestra où le chef français accompagne le pianiste Clifford Curzon dans le 5e concerto pour piano "L'Empereur" de Beethoven et le 2e concerto pour piano " du couronnement " de Mozart (CB2520).

 

 

 

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