Jean Richafort (ca. 1480 – ca. 1547)

Actuellement, on ne connaît que partiellement la vie du compositeur franco-flamand Jean Richafort, bien qu’il fût de son vivant, une célébrité dépassant largement les frontières.

Jean Richafort naquit vers 1480, dans les Flandres françaises, probablement au village de “Ricartsvoorde”, d’où son nom. Il mourut vers 1547 à Bruges, où il exerçait la fonction de maître de chapelle depuis 1542. On sait qu’il exerça cette même fonction, mais à Malines, à la cathédrale St. Rombout, à partir de 1507, et que ses frères François et Guillaume y étaient chantres. A partir de 1510, Jean Richafort fut engagé à la cour de Louis XII. Après la mort de celui-ci, il travaillera au sein de la cour de François 1er.

Détail intéressant : en 1516, lors d’une rencontre à Bologne entre la cour papale et François I. le pape Léon X, fortement impressionné par les compositions de Jean Richafort, alloue à celui-ci une rente spéciale. On perd ensuite sa trace jusqu’en 1542, date à laquelle il rejoint la ville de Bruges. Cependant, divers témoignages nous permettent d’affirmer qu’il composa à cette époque son Opus Magnum.

Entre-temps, sa notoriété avait gagné toute l’Europe. L’exemple le plus flagrant en est que les compositeurs qui, pour la première fois dans l’histoire de la musique ont écrit une “messe-parodie”, l’ont fait sur le modèle de Jean Richafort. Dix-huit compositeurs au moins, dont Mouton, Morales et Palestrina se sont inspirés du motet Quam dicunt homines de Jean Richafort pour composer leur “messe-parodie”.

En 1556, les imprimeurs parisiens Le Roy et Ballard éditent, à titre posthume, un florilège sur l’art de Jean Richafort sous le titre Joannis Richafort modulorum quatuor, quinque et sex vocum, liber primus. En outre, pas moins de 70 anthologies, imprimées entre 1519 et 1583, contiennent des œuvres dispersées de Jean Richafort. Plus impressionnant encore est que l’on a trouvé plus de 200 manuscrits, de Lisbonne à Cracovie, Glasgow, Ratisbonne…, contenant des messes, motets, Magnificat et chansons du maître. Ceci est d’autant plus remarquable que Jean Richafort est aujourd'hui un compositeur ignoré : dans la Collégiale de Nivelles, pour la première fois en Belgique, un concert lui est entièrement consacré(1).

Ronsard écrit dans la dédicace de son Livre des Meslanges (Paris, 1560) que Jean Richafort compte parmi les plus grands compositeurs de l’époque ; il mentionne également le fait que Josquin des Prés fut son maître. C’est à la mémoire de celui-ci que Jean Richafort écrivit sa Messe de Requiem. On retrouve sa très nette influence dans l’écriture de Jean Richafort : technique du canon, traitement des dissonances, utilisation des obstinato, des imitations, etc. Richafort donne à son œuvre une dimension supérieure par son étonnante maîtrise du contrepoint, conférant par là à sa musique une force intérieure exempte de toute superficialité. En atteste son Requiem aeternam où son art atteint des sommets, élevant la musique au rang de l'émotion pure.

Il utilise de façon permanente et exclusive 2 cantus firmus : Circum dederunt, un plain-chant déjà fréquemment employé par Josquin des Prés, auquel se rajoute une magnifique phrase d’une chanson de celui-ci : C’est douleur non pareille. Tant de maîtrise et de génie inventif nous donnent une parfaite image de ce que représente cette génération de la haute Renaissance.

 

La première partie du concert de Nivelles sera consacrée à diverses œuvres, allant de la chanson “vulgaire” à 3 voix jusqu’au mystérieux Sufficiebat nobis (dont trois versions différentes existent dans les manuscrits), pour culminer avec le magistral Salve Regina, qui clôturera la première partie de ce concert.

 

Paul Van Nevel (2)
 

 

  1. Ce concert se déroule à la Collégiale de Nivelles, le vendredi 7 septembre 2001 dans le cadre du Festival de Wallonie - Brabant Wallon

  2. Texte extrait du programme du Festival de Wallonie

 

 

 

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