La découverte de l’orientalisme

1889 est une année importante pour Debussy. A Bayreuth, il a l’occasion de découvrir Tristan et Isolde de Wagner, et surtout à Paris, il découvre, au cours de l’Exposition universelle, de nombreuses musiques exotiques. Cette exposition, qui coïncide avec le centenaire de la révolution française, est la plus spectaculaire avec l’édification, au Champ de Mars de la Tour Eiffel. Un des amis de Debussy, Robert Godet décrit cette visite :

Les heures vraiment fécondes pour Debussy, c’est dans le campong javanais de la section néerlandaise qu’il les goûta sans nombre, attentif à la polyrythmie percutée d’un gamelan qui se montrait inépuisable en combinaisons de timbres éthérées ou fulgurantes, tandis qu’évoluaient, musique faite image, les prestigieuses Bedayas.



Godet croit que Pagodes, Et la lune descend sur le temple qui fut, et la Terrasse des audiences au clair de lune évoquent ces visions orientales.

             

 
 
Autre impression inoubliable : le théâtre ambulant de Cochinchine. Quelques acteurs improvisent sur un sujet, accompagné par quatre ou cinq instruments. Un autre ami de Debussy, le critique et historien Julien Tiersot, nous décrit cet ensemble avec précision :
 

[Il comporte] un gong suspendu à la muraille […] deux sortes de tambours […] un instrument à archet, nommé dong-cô, garni de deux cordes monté de façon très curieuse […] une espèce de hautbois, nommé song-hi percé de huit trous […] une flûte traversière […] dont l’embouchure se trouve au milieu de l’instrument […] et un autre instrument à archet [appelé] lieu ou liou. Le […] song-hi a des sons durs et très criards […] De l’autre coté de la scène est placé un énorme instrument à percussion, genre grosse caisse, sur lequel un sixième musicien frappe par moments à coups redoublés.


C’est peut-être grâce à ce théâtre que Debussy put se dégager de l’emprise wagnérienne. Quelques années plus tard, il note, non sans ironie :

Les Annamites montrent l’embryon d’un opéra où se reconnaît la formule tétralogique. Il y a seulement plus de dieux et moins de décors.  Une petite clarinette rageuse conduit l’émotion. Un tam-tam organise la terreur…et c’est tout. Plus de théâtre spécial, plus d’orchestre caché. Rien qu’un instinctif besoin d’art, ingénieux à se satisfaire…

             



[1] Campong ou Kampung est un mot indonésien qui désigne un quartier traditionnel à voies piétonnières.

[2] Bedaya, mot javanais qui désigne une danse originellement sacrée et palatine pour neuf jeunes femmes vêtues en mariées.

 

 

Suite

Sommaire Debussy & l'Orientalisme

Travers-sons  - La Médiathèque - Nos collections
Copyright © 2001 La Médiathèque - E-mail