Éditorial

L'édito du rédac'chef

 

Être femme et composer

On serait tenté de parodier Montesquieu et de s'écrier : "Comment peut-on être compositrice !" Car, après plus d'un siècle au cours duquel nos compagnes ont fait leur place dans le monde de la musique comme interprètes, tout d'abord, et comme compositrices ensuite, ce n'est que depuis peu que la femme a acquis un réel statut social et que son geste créateur commence à être apprécié à sa juste valeur.

Il n'est pas loin le temps où les préjugés reléguaient impitoyablement l'œuvre des femmes compositeurs au second plan. Accompagnées d'un sourire condescendant, quelques appréciations perfides saluaient la sensibilité en déniant toute possibilité de charpenter une œuvre ou de développer un discours, qualités incontestablement masculines et, partant, impossibles à développer chez une personne du sexe dit "faible". Chaque composition était accueillie comme une page charmante, décorative et il fallait le courage et l'ouverture de certains critiques téméraires pour oser affirmer le contraire.

Non point que la femme ait été, de tout temps, exclue de la vie musicale. Dès le Moyen Âge et, surtout, dès la Renaissance et l'époque baroque, il est fascinant de constater qu'elles furent nombreuses à s'adonner à l'art de la création. Ce n'est qu'aujourd'hui, pourtant, que les Hildegard von Bingen, Barbara Strozzi ou autre Francesca Caccini franchissent le mur du silence et bénéficient d'un renouveau d'audience grâce au concert et à l'enregistrement. Mais il en reste tant dont les manuscrits restent lettre morte.

Le XVIIIe siècle et ses salons artistico-littéraires permirent à plusieurs d'entre elles de briller et d'obtenir une véritable reconnaissance (pensons par exemple à une Elisabeth Jacquet de La Guerre), mais c'est la période romantique qui offrira à la femme musicienne un statut plus honorable, davantage, il est vrai, comme interprète que comme compositrice. Clara Schumann ou Fanny Mendelssohn furent avant tout appréciées pour leur talent d'interprète même si leurs compositions n'avaient rien à envier à celles de leur mari ou frère. Il est vrai aussi qu'il faut attendre la seconde moitié du siècle pour que les femmes puissent aborder des genres plus "costauds" que la mélodie, la musique de chambre ou la musique pour piano.

Comme en beaucoup de domaines, le XXe siècle permit enfin à la femme de pouvoir opter pour des carrières jusque là réservées aux seuls hommes. Non sans difficulté mais, peu à peu, les clivages s'atténuent et on peut espérer que le début de ce millénaire verra s'affirmer cette tendance indispensable au renouveau de la création.

Le Festival de Wallonie a fait des musiciennes le fil conducteur de son édition 2002. Nous vous en informerons au fil des semaines, espérant que concert et musique enregistrée nous familiariseront davantage avec des œuvres trop méconnues jusqu'à présent. Mais, d'ores et déjà, vous trouverez sur notre site la biographie et la discographie des compositrices qui seront mises à l'honneur lors du festival.

Quant à notre dossier opéra, après vous avoir présenté l'Orfeo de Monteverdi, dans le cadre de l'excellente reprise de cet opéra au Théâtre Royal de la Monnaie, nous vous proposons d'approcher ce mois un autre Orphée, bien différent puisqu'il s'agit d'Orphée aux enfers de Jacques Offenbach. À écouter ou réécouter en cette saison qui incite à de joyeuses évasions ainsi que les disques que nous vous présentons dans nos rubriques habituelles.

Bien cordialement !


Pierre Watillon
Rédacteur en chef
Mai 2002
 

 

 

 

   
 

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