Les femmes et la musique - deuxième partie
À l'époque baroque, les princesses s'investissent
dans la musique comme symbole de culture et commencent à
prendre des leçons auprès des plus grands
musiciens de cour. Née de cette conjoncture, l'idée
d'un art musical d'agrément pseudo-culturel apparaît
au XVIIIe et se poursuivra jusqu'à l'aube
du XXe siécle. Elle prévaut parmi
la bourgeoisie parvenue pour qui le "ma-fille-fait-de-la-musique"
permet surtout d'escompter pour elle un bon parti. L'éducation
musicale apparaît comme un investissement.
Mais attention, même si le nouveau modèle
d'éducation leur permettait, non sans paternalisme,
de se consacrer à des activités musicales,
on ne fit plus appel à leurs capacités réellement
créatrices, ni à toute l'étendue de
leurs connaissances. Avec la période classique, on
commence à discuter leur capacité de créer
"du grand art", tout au plus leur accorde-t-on
alors de composer des mélodies ou de la musique de
chambre, de jouer du piano-forte ou de chanter. On leur
conteste le droit de faire interpréter leurs oeuvres
en public.
Fanny Hensel a reçu une formation musicale aussi
remarquable que celle de son frère Félix Mendelssohn,
mais seul ce dernier fut autorisé à être
musicien professionnel. En tant que femme, elle ne fut pas
prise au sérieux comme compositeur. De plus, née
dans une riche famille juive, il lui fut refusé sans
appel, par ses parents comme par son frère, d'être
socialement autre chose que bonne épouse et bonne
mère. Y eut-il quelque intérêt personnel
? Rappelons que certains de ses premiers lieder furent publiés
dans l'opus 8 et 9 de son frère.
Clara Schumann devint virtuose du piano, son père
avait décidé avant la naissance de l'enfant
d'en faire un musicien accompli. Célèbre dans
toute l'Europe, elle fit une grande carrière de concertiste.
Elle a interprété un répertoire d'avant-garde
pour l'époque, elle fut la première à
jouer en Allemagne les oeuvres de Chopin, Schumann et Brahms,
auquel elle était unie par une longue et profonde
amitié. La réputation exceptionnelle de Clara
pianiste a quelque peu occulté celle de la femme
compositeur même si elle-même n'eut jamais l'ambition
de rivaliser avec les hommes. Bien sûr, la pression
sociale, le fait d'avoir épousé un compositeur
de génie a dû représenter un facteur
supplémentaire de dissuasion. Mais, les écrits
et les propos tenus par Clara Schumann semblent indiquer
quelle même - pouvait-elle faire autrement ? - condamnait
d'emblée les compositrices et que les femmes ne pouvaient
pas être à la fois femmes et compositrices.
Pour qu'une femme puisse accéder à la composition
de musique orchestrale, chorale ou de musique de chambre
"sérieuse", elle devait faire valoir des
talents d'interprètes sur un instrument lui permettant
de faire entendre sa musique en famille ou dans des salons
privés. Rares étaient celles qui se voyaient
publiées et encore moins mentionnées dans
les programmes de concert. Louise Farrenc dont l'oeuvre
fut longtemps considérée comme perdue ou éditée
sous le nom de son mari, Aristide Farrenc, eut toutes les
peine du monde à faire exécuter au célèbre
Gewandhaus de Weimar son Quatuor pour piano qui
finira quand même par être joué avec
succès.
Les femmes et la musique -
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