Sur de nouveaux chemins
Jonathan Harvey (1939) a
réussi à faire une synthèse de son
art et de sa spiritualité en ayant recours au son
direct et à l’électronique. Après avoir
étudié sous la direction de Erwin Stein, Hans
Keller et Milton Babbit, sa rencontre avec Karl Heinz Stockhausen
le marqua profondément.
L’usage qu’il fait de l’ordinateur dans son
œuvre lui permet d’analyser les sons pour reconstituer leur
spectre sonore, voire pour l’enrichir, démarche d’explorateur
dans le domaine sonore. Il appartient donc au courant de la
musique spectrale.
Après son séjour à l’IRCAM,
sa personnalité de compositeur s’affirme avec des
pièces comme Mortuos plango, vivos voco
(FA4355) pour sons concrets traités par ordinateur.
Cette pièce met en scène des sons qui ont
accompagné le compositeur depuis son enfance : les
cloches et les voix des chœurs d’enfants des grands collèges
anglais.
Bhakti (FH2656),
composé en 1982 pour orchestre de chambre et bande
magnétique, réalise le mariage impossible du
son enregistré et du son en direct. Basé sur
une forme symétrique, la pièce comporte douze
parties à l’instrumentation variée se terminant
par une citation d'un extrait du Rig Veda.
Jonathan Harvey a consacré de nombreuses
compositions au violoncelle grâce à sa collaboration
avec Frances-Marie Uitti et aux nouvelles techniques, notamment
le jeu avec deux archets que cette instrumentiste à
développé. Son Concerto pour violoncelle
(FH2665) propose un parcours initiatique sonore pour un
homme en quête du bonheur.
Advaya (FH2683)
associe le violoncelle et des sons de violoncelle retravaillés
par ordinateur. C’est une des pièces pour violoncelle
solo les plus complexes dans laquelle l’interprète
explore les limites sonores extrêmes de son instrument
tandis que le matériau qu’il explore est simultanément
retravaillé électroniquement pour se confondre
avec les sons acoustiques.
Il faut encore parler de sa musique chorale
(FH2669)
comme une part importante de sa production. Ici, pas de travail
électronique du son mais un usage complexe des ressources
de la polyphonie permet une mise en musique recherchée
de la symbolique des textes.
Il est étonnant de constater que bien
qu'ayant recours à des techniques électroniques
sophistiquées, la musique de Jonathan Harvey n’est
en rien déshumanisée pour autant. Au-delà
de l’objet musical qu’il propose, transparaît toute
la richesse de sa vie spirituelle d’homme.
Appartenant au courant expérimental,
l’œuvre de Cornelius Cardew (1936-1981) contient
une part d’aléatoire. Après des études
à la Royal Academy of Music de Londres où il
apprit entre autres le piano, il travailla plusieurs années
à Cologne avec Karl-Heinz Stockhausen, à Rome
avec Goffredo Petrassi puis avec John Cage. Il s’affranchit
cependant de ces influences et connut son heure de gloire
dans la foulée de mai 1968 à cause des libertés
qu’il prenait par rapport aux modèles traditionnels
de la musique sérieuse. Il a enseigné la musique
aux États-Unis parallèlement à un action
militante via l’organisation de concerts et d’événements
musicaux. Ses œuvres principales sont Treatise (FC1315)
pour ensemble instrumental et dispositif électronique
dont la partition a recours à un système de
notation original, Great Learning pour orchestre
et Schooltime Compositions.
Sa Sonate pour piano (FA2430)
est à rapprocher des Music for piano de John
Cage. Sa musique pour piano (FC1322)
présente des points communs avec l’œuvre pour piano
de Erik Satie. Elles contiennent aussi des allusions à
des thèmes du répertoire classique ou traditionnel.
Cornelius Cardew est un exemple frappant de
musicien engagé dont la musique cherche à faire
passer un message au-delà du langage utilisé.
Chef de file du mouvement connu sous le nom
de Nouvelle Complexité qui s’est développé
en Angleterre et en Europe à partir des années
70, Brian Ferneyhough (1943) a effectué
ses études à la Royal Academy of Music avec
Lennox Berkeley avant d’aller se perfectionner aux Pays-Bas
chez Ton de Leeuw et en Suisse chez Klaus Huber. C’est Sonatas
pour quatuor à cordes (FF3655)
qui le révéla au public.
Sa musique porte la trace de l’influence des
sérialistes et de Karl-Heinz Stockhausen et pose des
problèmes quasi insolubles aux interprètes,
ceci constituant une manière d’introduire l’aléatoire
dans l’exécution. En effet, Ferneyhough pratique l’hypernotation
: tout est noté jusque dans les plus infimes détails,
rendant la réalisation scrupuleusement exacte impossible
pour les musiciens. Son principe est de demander 200 % pour
obtenir une exécution à 90 % de ce qu’il souhaite.
Ses compositions requièrent beaucoup de virtuosité
de la part des interprètes. Il utilise fréquemment
les quarts de ton, voire les huitièmes de ton. Sa musique
trahit une expressivité exacerbée et une recherche
de la transcendance.
Parmi ses œuvres principales : la Missa
Brevis pour douze voix de solistes, les Time and
Motion Study (FF3667),
les Carceri d’Invenzione (FA3440
- FF3621)
La Chute d’Icare (FF3625).
Dans Time and Motion Study, l’instrumentiste est
envisagé comme son instrument : il doit accomplir un
grand nombre de tâches contrastées en même
temps, à la limite des possibilités humaines.
La Chute d’Icare (FF3625),
inspiré par le tableau de Breughel portant le même
titre, est basé sur un triple canon rythmique et un
mode de neuf sons dont le compositeur prend plaisir à
brouiller les pistes.
La musique de Brian Ferneyhough témoigne
d’une grande complexité de pensée. Son paradoxe
réside dans la charge émotionnelle qu’elle
véhicule en dépit de son abstraction.
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