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La
qualité des interprètes
Les pays nordiques ne sont ni très étendus ni
surtout très peuplés : l’ensemble Scandinavie + Finlande est de 10% moins
peuplé que le Benelux. La Suède, avec quelque 8 millions d’habitants, est
moins peuplée que la Belgique. La population du Danemark, de la Finlande
ou de la Norvège est moindre que celle de la Communauté flamande…
Ce faible réservoir n’empêche pas les pays nordiques de produire nettement
plus de chanteurs de qualité que nous. L’amateur d’opéra, s’il ne suit que
les saisons belges, ne peut être que frappé par le nombre de (jeunes) voix
nordiques qu’il entend dans les productions. Ces voix présentent très
généralement comme caractéristiques d’être naturelles et bien formées. Il
est probable que le haut niveau de culture musicale populaire de ces pays
y est pour quelque chose. De plus, dans un contexte humain où le chant est
encore assez généralement pratiqué, les chanteurs nordiques semblent
généralement garder un équilibre personnel, une sorte de simplicité; sans
doute s’y inscrivent-ils plus naturellement dans le paysage social que
chez nous.
Ceci fait de l’école vocale nordique une des plus brillantes et des plus
saines qui soit. Elle a toujours présenté un mariage particulièrement
heureux entre la discipline allemande et la couleur méridionale.
Longtemps, cette école a surtout représenté pour nous les grandes voix
wagnériennes, où ce couplage s’avère en effet d’une grande efficacité.
Aujourd’hui, elle couvre avec talent tout le répertoire. Peu tentés de se
braquer sur une répertoire national (comme le font parfois les chanteurs
allemands) les nordiques font preuve de cosmopolitisme et d’une grande
polyvalence.
Depuis l’existence du disque, les chanteurs nordiques ont consacré une
part de leurs efforts à l’enregistrement de leur répertoire mélodique.
Même les « grandes » voix (Flagstad
(1),
Nilsson,
Björling,
Gedda…) l’ont fait. A part certains compositeurs réservés
essentiellement au marché local, ces enregistrements concernaient surtout
les noms consommables par le mélomane international moyen :
Grieg, accessoirement
Sibelius… La notoriété des grands interprètes du passé leur servait en
outre de passeport. Il faut cependant ajouter que, dans beaucoup de cas,
le style de ceux-ci – souvent conditionné par l’opéra - ne correspond plus
nécessairement à nos attentes dans le genre foncièrement intimiste et «
retenu » qu’est devenue la mélodie, dont la pratique restera déterminée
pour longtemps par l’immense repère Fischer-Dieskau. A quelques exceptions
près (par exemple
Birgit Nilsson, la
Flagstad pré-wagnérienne et l’intemporel
Schiøtz), notre discographie ne s’attachera pas prioritairement à ces
témoignages.
Cette restriction n’a d’ailleurs pas grande importance, le champ des
talents plus récents et actuels est bien suffisant. On y trouve
naturellement la personnalité exceptionnelle d'Anne Sofie von Otter dont la discographie dans ce domaine est plus
large que ce qui émarge aux labels de grande diffusion internationale… Ou
la non moins grande
Elisabeth Södertröm, immense et éclectique interprète dont la
discographie actuellement disponible est très anormalement réduite, du
moins dans les labels du marché international. Ou
Jorma Hynninen, figure attachante et grand serviteur du répertoire
mélodique (entre autres) finlandais. Ou
Håkan Hagegaard…
Ces noms sont ceux de chanteurs notoirement connus. Mais qui s’intéresse
aux enregistrements de
Taru Valjakka, Edith Tallaug,
Solveig Faringer,
Erik Saéden,
Kurt Westi,
Märta Schéle,
Randi Stene,
Solveig Kringelborn,
Inger Dam-Jensen,
Anne Margrethe Dahl ou
Mikael Samuelson ?
Comme les répertoires mélodiques tchèque, hongrois ou polonais, la mélodie
nordique reste à peu près exclusivement une affaire d’autochtones. Ce
n’est pas uniquement un problème de notoriété des compositeurs ou de
familiarité culturelle de la part des chanteurs, c’est aussi une affaire
idiomatique. Surtout pour le danois et les deux formes du norvégien qui
sont des parlers phonétiquement très particuliers… et difficiles d’accès
pour l’étranger.
Beaucoup de choses à découvrir, en somme ! En évitant de tomber dans le
travers du prosélytisme : tout ce qui est mal connu n’est pas nécessairement
génial, loin de là. Mais, au moins, peut-on y trouver l’intérêt de la
rencontre de climats inconnus…
(1)
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"La mélodie nordique"
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