Les premières générations

Notre histoire débute à un basculement du monde. L’Ancien Régime s’est effondré en France, l’Europe est secouée par l’épopée napoléonienne. En 1809, la monarchie suédoise est en pleine crise et attend l’avènement de Bernadotte.

Le Danemark vit le crépuscule de sa prédominance politique. Le phare culturel reste cependant la Cour de Copenhague, lieu de cosmopolitisme. La danse y est régie par le Français Bournonville, la musique marquée par deux musiciens de souche allemande ou germanophone : Kuhlau(1) et Weyse. Si le premier s’occupe avant tout de la musique de cour, le second tient les orgues et compose des mélodies (notamment à l’usage des orphelinats). En Finlande, le premier compositeur notable du siècle est Pacius, également un immigré allemand passé d’abord par Stockholm.

Le modèle musical est donc allemand. Cette influence majeure ne s’atténuera qu’à la fin du siècle quand de nombreux compositeurs nordiques, fascinés par Paris, y chercheront un autre système de références.

Hormis dans le cercle restreint des Cours danoise et suédoise, la musique est très peu professionnalisée. Parmi les compositeurs de mélodies de cette époque, on trouve plutôt des professeurs d’université, des ecclésiastiques, des journalistes, des philosophes, des médecins, voire des aventuriers… Tout ce petit monde pratique la musique et s’essaye à la composition.

Dans la première génération, les figures les plus intéressantes sont les Suédois Carl Almqvist et Adolf-Fredrik Lindblad.

Le premier est, biographiquement parlant, une de ces figures pittoresquement atypiques du monde culturel scandinave. Il a laissé, entre autres, des mélodies sans accompagnement d’une ambiance surprenante et très personnelle.

Le second était musicien de métier; il contribua notamment à l’éclosion de la célèbre cantatrice Jenny Lind qui fit ensuite connaître son œuvre. Influencé par Mendelssohn, il composa des mélodies d’un charme incontestable où le modèle romantique allemand se colore d’une dimension typiquement scandinave.

Quoique extrêmement conservateur dans ses options, le Danois C.E. Friedrich Weyse témoigne d’un métier sûr. Quand à son compatriote J.P.Emilius Hartmann (une des plus longues carrières de l’histoire musicale !) il s’agit sans contexte d’un excellent musicien, encore que le meilleur de sa production soit instrumental.

Il faut aussi signaler l’absence, dans cette histoire, du plus important compositeur nordique de la première moitié du 19e siècle : Franz Berwald (1796 – 1868). Suédois dont les parents allemands s’étaient fixés à Stockholm et qui retourna à Berlin dès la trentaine. Ce symphoniste tout à fait remarquable ne semble pas avoir accordé d’intérêt à la voix en dehors de diverses œuvres scéniques. S’il a, d’aventure, composé des mélodies, aucune n’est enregistrée à ce jour.

Figure de proue de la génération romantique scandinave, sorte de père-fondateur à la fois vigoureux et paisible, Niels Gade – estimé des meilleurs musiciens européens de son temps – a plutôt trouvé dans la forme symphonique le terrain qui convenait à sa nature.

Dans la vague suivante, contemporaine de Brahms, la figure majeure est sans conteste le Danois Peter Heise, totalement méconnu chez nous. Authentique musicien mais dilettante par position sociale, d’un lyrisme fiévreux, il fut à son échelle une sorte de Schumann nordique. Doté d’un véritable sens de la construction dramatique, il laisse avec les ”Dyveke Sange”, ”Gudruns Sorg” et autres ”Solveig Sange af Peer Gynt” (dès avant que Grieg ne se fut emparé de l’œuvre d’Ibsen) les premiers véritables ”cycles” de mélodies d’une musique scandinave qui n’en sera pas tellement prolixe.

Son contemporain suédois August Södermann, chef d’orchestre de carrière, laisse des mélodies dont l’envolée puissante semble très marquée par le Wagner de la période ”Tannhäuser” et ”Lohengrin”.

Une petite génération plus tard, un peu plus jeune que Grieg, le Danois Peter Lange-Muller sera un peu le répondant brahmsien de Heise, avec ses harmonies plus sombres et son style plus introverti.

S’il n’a pas joué un rôle très en vue sur le plan de la mélodie tel que nous l'entendons habituellement, il faut citer encore le Danois C. F. Horneman qui fut là-bas un des peu nombreux ”modernistes” de son temps. Nielsen, tourné résolument vers l’avenir, y voyait un de ces rares précurseurs scandinaves. Mal vu de ses pairs en raison de sa nature acariâtre, il fut largement ignoré et reste peu enregistré.



Un choix discographique

Pour l’essentiel :

  • Carl Jonas Love Almqvist et Adolf Fredrik Lindblad : Elisabeth Söderström + Westerberg / Eyron Swedish Society SCD 1017 - cote médiathèque : GC3812. Un disque témoignant de l’art exceptionnel d’Elisabeth Söderström. En outre, divers compositeurs mineurs de cette période de la mélodie suédoise et aussi quelques grands de l’âge d’or (Stenhammar, Rangström, Peterson – Berger…)
     

  • Adolf Fredrik Lindblad : Mari Anne Häggander / Mikael Samuelson + Schuback Caprice CAP 21425 - cote médiathèque : DL4712
     

  • Peter Heise a été magnifiquement servi par deux interprètes : le délicieux soprano de Inger Dam – Jensen, dans un CD également consacré à Peter Erasmus Lange – Müller (I. Dam-Jensen + Stubbe Teglbjaerg Marco Polo 8.224065 ) et le mezzo Randi Stene (Randi Stene + Kehring SIMAX 1145 )

     

Pour les plus curieux  :

  • Christoph Ernst Friedrich Weyse : A. Schiøtz + divers accompagnateurs Danacord DACOCD 455 et Danacord DACOCD 456. Ces deux CD (séparés) donnent un parfait aperçu de la romance danoise, avec d’autres compositeurs (Hartmann, Gade, Rung, Kuhlau…). A recommander aussi : Edith Oldrup Danacord DACOCD 504. Une exquise soprano, partenaire préférée de Schiøtz, dans Weyse, Peter Heise, Nielsen, Grieg etc…
     

  • Sôdermann : figure notamment sur un CD (moitié opéra " international ", moitié mélodies nordiques) du grand baryton Håkan Hagegård. (Hagegård + Ingebretsen Caprice CAP 21362H - cote médiathèque : GC6242).
     


 

(1) Cliquez sur le nom pour obtenir la discographie de l'interprète ou du compositeur.
 

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