Grieg et son temps

Il serait inutile de présenter ici Edvard Grieg ⁽¹⁾… Il fut et reste, en matière de mélodies, le seul Nordique à connaître un véritable succès universel. Il est vrai que le genre de la mélodie accompagnée convenait admirablement à un talent s'épanouissant hors des grands développements. Le Norvégien lui voua un zèle assidu; son épouse le pratiquait comme chanteuse. Ce n’est pas faire injure à Grieg que de relever que ses tentatives de traiter les voix dans un contexte plus ambitieux sombrèrent dans un pompiérisme inattendu de la part d’un compositeur de ce niveau.

Dans la mélodie – où le modèle allemand (et d’abord schumanien) reste apparent, mais assimilé de manière entièrement propre et enrichi du meilleur de l’esprit de la tradition norvégienne - Grieg est un maître. Sa production culmine avec le cycle Haugtussa (traduire approximativement par Le génie des montagnes) qui est, à juste titre, le plus souvent proposé par les chanteuses encore que son substrat complètement "terroir" et son idiome très typé (le coloré "landsmål", norvégien des paysans) n’en rendent pas aisée une interprétation "authentique". Dans la plupart de ses opus de mélodies et tout au long de sa vie, il a su maintenir un niveau élevé avec, souvent, de petits chefs-d’œuvre. Pour les textes, il a puisé avec éclectisme dans la poésie allemande et danoise (Andersen, Drachmann) mais, au fil de sa carrière, il s’est tourné de plus en plus vers ses racines norvégiennes : Ibsen, Bjørson, Munch, Vinje et, pour Haugtussa, Arne Garborg. C’était le temps où les Norvégiens se défaisaient  de la vieille hégémonie culturelle de la langue danoise.

Grieg a été et est abondamment enregistré; en général, les chanteuses y réussissent mieux que leurs confrères. À l’opposé de Carl Nielsen, sa musique a sans doute quelque chose de féminin…

Très admiré, notamment du grand Liszt, Grieg n’a pas fait école au sens strict bien qu’il ait profondément marqué divers compositeurs nordiques ultérieurs, surtout norvégiens.

Dans sa génération, à côté du déjà cité Lange-Muller, le meilleur compositeur de mélodies est le suédois Emil Sjögren, mélodiste raffiné et intimiste dont l’œuvre, à laquelle il ne manque souvent qu’un rien de souffle, vaut à coup sûr mieux que l’anonymat où on la relègue hors Scandinavie. Comme tant d’autres Nordiques après lui, Sjögren sera attiré par la France où ses mélodies ne laisseront pas indifférents les cercles musicaux parisiens de son temps. Le charmant Christian Sinding, très populaire en Norvège de son vivant pour une musique qui ne pouvait soulever la controverse, est aujourd’hui peu présent au disque en matière de mélodie.
 

Un choix discographique
 

Pour l’essentiel :

Edvard Grieg a été enregistré abondamment (et même à l’excès, au détriment d’autres compositeurs scandinaves !). Dans une pléthore de CD presque toujours de très bon niveau, isolons quatre chanteuses de tout premier plan :

• Randi Stene + Kehring SIMAX 1145. Sans doute le plus véridique Haugtussa par un magnifique mezzo qui enregistre trop peu…. En outre, Peterson – Berger, Peter Heise et Hugo Alfvén
   

• Anne Sofie von Otter + Forsberg DGG 437 521-2 - cote Médiathèque : DG8951. Un disque et une interprète dont les mérites sont justement célébrés.
   

• Solveig Kringelborn + Rozhdestvensky Chandos CHAN 9113 - cote Médiathèque DG8257. Grieg en version avec orchestre. Un miracle de fraîcheur par un des sopranos les plus fins et les plus touchants du monde nordique. Ecouter aussi, en accompagnement piano, Solveig Kringelborn + Martineau Virgin 7243 5 45273 2 6 - cote Médiathèque : DG8964 (contient aussi Rangström, Sibelius et Nielsen)
   

• Monica Groop + Ranta BIS CD 787 - cote Médiathèque : DG8957  et BIS CD 957 - cote Médiathèque : DG8958. Un mezzo sobre et harmonieux dans deux CD (séparés) contenant aussi des Grieg moins rebattus, à découvrir.
   

Emil Sjögren:

• outre le CD de Söderström (Swedish Society SCD 1017 - cote Médiathèque : GC3812) déjà cité, écouter le disque-phare d’Anne Sofie von Otter + Forsberg DGG 449 189-2 - cote Médiathèque : GC4387. Il s’agit aussi d’une belle sélection de la grande génération (Stenhammar, von Koch, Peterson – Berger, Rangström, Alfvén). Mais plus tôt dans sa carrière, von Otter avait fait un excellent CD en couplage avec le baryton Wahlgren (A-S von Otter + Gothoni / P-A Wahlgren + Bojsten Musica Sveciae ARTE CD 7126)

Pour les plus curieux :
 

• Christian Sinding : très proprement défendu par le soprano Bodil Arnesen ( B. Arnesen + Eriksen NAXOS 8.553905  - cote Médiathèque : DS7136 )