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Nielsen et Sibelius
La génération suivante ouvre sur un autre univers; elle voit survenir les
deux plus fortes personnalités de l’histoire musicale nordique
:
Carl Nielsen(1) et
Jean Sibelius, nés la même année 1865. Il s’agit d’hommes au souffle
puissant, épris de modernité. Ils seront avant tout de grands
symphonistes;
Carl Nielsen réussira en outre dans l’opéra – tout en se limitant à
deux œuvres – là où Sibelius échouera. Leurs places dans la mélodie sont
extrêmement différentes.
Nielsen, influencé par le pasteur et musicien Thomas Laub, s’attachera
avant tout à la production de mélodies à caractère simple et populaire. Il
suffit d’écouter le reste de son œuvre vocale – ne fut-ce que son
délicieux et brillant opéra Maskarade
– pour réaliser que l’option de Nielsen ne reposait pas sur une
impuissance à produire plus sophistiquée ou techniquement plus complexe. Il
s’agit d’un choix qu’on pourrait qualifier d’"engagé", de la part d’un
homme sorti des classes populaires d’un Danemark qui était en train
d’inventer la démocratie sociale. Le cadre étroit et assez rigide où
Nielsen choisit ainsi de créer ne lui permit pas d’éviter certaines
redites au fil de ses quelque 200 mélodies. Reste qu’il était un grand
musicien et que nombre d’entre elles sont d’une incontestable beauté. Ce
répertoire n’en demeure pas moins malaisément exportable.
Sibelius, lui, trouvera un de ses grands moteurs dans la découverte
littéraire de l’âme finlandaise. Elevé dans un milieu bourgeois
suédophone, dans un pays dont l’éveil national subissait le joug culturel
russe, il fut rapidement fasciné par la mythologie finnoise dont le
médecin Elias Lönnrot venait de collationner l’énorme héritage. Le poète
finlandais de langue suédoise Runeberg constituera aussi une de ses
sources d’inspiration.
Musicalement, Sibelius est un des compositeurs les plus inclassables. Sa
musique n’a pas de racines traditionnelles, il n’a eu aucun disciple et
contrairement à Nielsen dans ses mélodies, il n’a pas eu le projet
d’écrire une musique "nationale". Psychologiquement, ce n’était pas un
homme serein et ses mélodies sont fréquemment sombres, voire déchirées. Le
violoniste Sibelius a toujours entretenu des rapports distants avec le
piano, instrument qu’il maîtrisait assez médiocrement. L’écoute de ses
accompagnements pianistiques trahit généralement un "regret" d’orchestre,
comme si leur écriture n’était qu’une ébauche préalable à ce mode
d’expression. Il a d’ailleurs orchestré avec beaucoup d’efficacité une
partie de ses mélodies, comme le feront ses quasi-contemporains Mahler ou
Strauss. À cet égard, il fut un précurseur en Scandinavie et même au
niveau européen.
Alors que les œuvres symphoniques de Sibelius sont très jouées, ses
mélodies d’un expressionisme puissant demeurent incompréhensiblement
sous-estimées.
Dans l’ombre du grand Finlandais, son compatriote Oskar Merikanto
développa une œuvre mélodique aux ambitions plus réduites.
Celui qui, dans ce pays, aurait pu relever le défi de succéder à Sibelius
fut Toivo Kuula dont une balle, en 1918, éteignit trop tôt les promesses
au cours de la sanglante guerre civile. Compositeur finnois le plus doué
de sa génération, il laisse un nombre restreint de mélodies au climat
sombre qui témoignent de ses moyens.
Un choix discographique
Pour l’essentiel
:
-
Pour Carl Nielsen, il existe une édition historique où l’on retrouve
abondamment Axel Schiøtz dans les volumes 2 et 6 (Danacord DACOCD 354-356
et DACOCD 365-367 -
cote Médiathèque : DN4539) parmi d’autres chanteurs danois enregistrés entre le
début du siècle et les années 50 (dont le légendaire ténor Vilhelm Herold,
Edith Oldrup, l’excellent autant qu’ignoré Thyge Thygesen…). Pour rappel,
Nielsen figure également sur le CDconsacré à Edith Oldrup (E.
Oldrup + Jensen Danacord DACOCD 504).
Plus récents en âge d’enregistrement, écouter le très bon ténor Kurt Westi
(K. Westi + Metz Kontrapunkt 32047 -
cote Médiathèque : DN4545) et Solveig Kringelborn ( Kringelborn +
Martineau Virgin 7243 5 45273 2 6 -
cote Médiathèque : DG8964 ).
-
Jean Sibelius bénéficie d’une discographie abondante ( mais
essentiellement dans des labels nordiques à diffusion discrète) et quasi
uniformément bonne.
Pour faire un choix, donnons la priorité à l’emblématique baryton
finlandais Jorma Hynninen, une fois avec piano ( J. Hynninen + Gothóni
Finlandia FACD 202 S -
cote Médiathèque : ES4941) et deux fois avec orchestre (dont la première en
couplage avec l’excellente Häggander) : M-A Häggander / J. Hynninen +
Panula BIS CD 270 -
cote Médiathèque : ES4941 et J. Hynninen + Segerstam Ondine ODE 823-2 ).
Ne pas manquer l’impressionnant Luonnotar du couple Söderström – V.
Ashkenazy (E. Söderström + Ashkenazy Decca 400 056-2 -
cote Médiathèque : ES4496 ).
Un coup de cœur pour le soprano Soile Isokoski ( S. Isokoski + Viitasalo
Finlandia FACD 380 )
Il existe aussi une quasi-intégrale d’un grand intérêt chez BIS où A.
von Otter et Monica Groop se partagent la tâche avec talent, encore que
la Suédoise n’ait pas laissé la meilleure part à
sa consœur… ( A. S. von Otter + Forsberg BIS CD
457 -
cote Médiathèque : ES4945, M. Groop + Derwinger BIS CD 657, A.
von Otter + Forsberg BIS CD 757 -
cote Médiathèque : ES4946).
-
Pour découvrir Toivo Kuula :
Le recours à Jorma Hynninen est, ici également, inévitable : J. Hynninen +
Gothoni Finlandia FACD 024 -
cote Médiathèque : ES4941 ou, pour une approche avec orchestre, J.
Hynninen + Söderblom Ondine ODE 880-2. Ce dernier disque, très « âme
finnoise », présente aussi l’intérêt d’un panorama d’une douzaine de
compositeurs peu connus, noyés dans l’ombre de Sibelius (Madetoja,
Merikanto, etc.).
Egalement recommandable : Soile Isokoski ( S. Isokoski + Viitasalo
Finlandia FACD 380.
(1)
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