Les générations contemporaines

Pour les compositeurs nés après 1920, il devient plus difficile d’évaluer leur place définitive dans l’histoire de la musique nordique en général, et dans celle de la mélodie.

La Scandinavie et la Finlande semblent rester relativement plus fournies que la moyenne du reste du monde en musiciens de qualité intéressés à la survie d’un genre qui, de toute façon, tend à disparaître sous ses formes anciennement consacrées.

Au niveau international, on voit encore Aribert Reimann – et peut-être surtout Wolfgang Rihm, plus novateur – s’attacher à poursuivre et revivifier cette grande tradition.

Au Nord, la figure la plus intéressante est assez incontestablement le Suédois Ingvar Lidholm, né en 1921. Compositeur à l’inspiration élevée, il a sans doute réussi à intégrer, de manière harmonieuse et puissante, une écriture vocale "chantable" dans un langage foncièrement détaché de toute nostalgie passéiste. Elève de Rosenberg et premier compositeur nordique à fréquenter Darmstadt, il aura traversé de manière très personnelle les années sectaires d’un certain dogmatisme (post)sériel. Forte personnalité peu soucieuse de vedettariat, il fait partie d’une génération – à la fois trop jeune et trop ancienne – actuellement laissée dans l’ombre par l’actualité de la musique "contemporaine".

Plus anecdotique dans son langage, son compatriote et exact contemporain Laci Boldemann mérite en tout cas l’attention pour la grande qualité émotionnelle de ses œuvres, reflet d’une existence assez brève et tragiquement secouée. Il fut aussi un compositeur prolixe de mélodies pour enfants.

En Suède encore, Lars Joan Werle (né en 1926), familier de l’opéra, témoigne d’une belle capacité à composer pour la voix.

En Finlande, devenu le pays nordique prépondérant en matière de composition surtout depuis une vingtaine d’années, on trouve le trio - assez largement diffusé, étant donné l’exceptionnel dynamisme culturel de ce pays - Sallinen, Kokkonen et Rautavaara. Tous trois sont également des compositeurs rôdés à la forme de l’opéra.

Aulis Sallinen, formé à la composition par A. Merikanto comme Rautavaara, est sans doute le plus fécond des trois, combinant la facilité à traiter la voix de Joonas Kokkonen (par ailleurs moins audacieux) et la modernité de Einojuhani Rautavaara (à l’inspiration probablement plus académique); il témoigne en outre d’un sens dramatique aigu.

Arne Nordheim, figure dominante de la musique norvégienne d’après-guerre, est un moderniste convaincu. Représentant typique des courants en vogue dans les années 60-70, loin de toute ”nordicité”, servi par des interprètes de qualité (dont Pears et Söderström), il figure dans la discographie avec plusieurs pièces orchestrales ambitieuses utilisant la voix.

De la même génération que Sallinen, le Danois Erik Nørby (1936) est un exemplaire rêvé de ”conservateur nordique”, comme le Finlandais Kalevi Aho (1949). Tous deux ont composé des mélodies avec orchestre dont les fondements du langage musical s’inscrivent dans une tradition généralement délaissée depuis au moins un demi-siècle. Nørby y revint avec conviction après des débuts marqués par le sérialisme dans l’entourage de Nørgård, maître à penser de l’école danoise contemporaine. Aho, sans doute plus intéressant, est, pour sa part, une sorte d’héritier de Chostakovitch.

Dans les compositeurs nés après 1950, donc aujourd’hui dans la force de l’âge créateur, on trouve deux représentants de la brillantissime école finlandaise actuelle. La plus en vue est, à juste titre sans doute, Kaja Saariaho. Elle présente comme intérêt de s’inscrire sans restriction dans une modernité avancée, libérée de certains dogmatismes de la génération qui l’a précédée, tout en s’attachant avec beaucoup d’attentions à l’expression du texte par le chant. Son travail est d’un très grand raffinement. Si l’histoire de la "mélodie" doit connaître des développements nouveaux, peut-être est-ce chez des musiciens comme elle ou Wolfgang Rihm qu’il faut en chercher les pistes.

De Jouni Kaipainen, un peu estompé aujourd’hui par la renommée de Saariaho et Magnus Lindberg, nous n’avons à ce jour qu’un enregistrement susceptible de trouver place dans ce dossier, mais il est de qualité : Stjärnenatten à propos de quoi le compositeur revendique lui-même une filiation d’avec Dutilleux, dans un esprit évident de "classicisme contemporain".
 


Un choix discographique
 

Pour l’essentiel :
 

  • Ingvar Lidholm : peu mais bien enregistré, notamment avec Anne Sofie von Otter, Elisabeth Söderström et Mikael Samuelson ( A.S. von Otter dir. Sjögren / E. Söderström dir. Lidholm / M. Samuelson + Lindgren Caprice 21499, cote Médiathèque : FL5828  ), une des "perles" de cette discographie ! Mentionnons aussi le superbe Nausikaa ensam d’Elisabeth Söderström, même s’il est aux frontières de notre sujet ( E. Söderström + Westerberg Caprice CAP 21366 - cote Médiathèque : FL5810).

    NB: on espère qu’une œuvre très récente (1999 ?) de Lidholm pour baryton et orchestre qui a dû être créée par Peter Mattei fera un jour son apparition au catalogue…
     

  • Aulis Sallinen : écouter notamment ses Four Dream Songs  par Taru Valjakka dans un CD où apparaît aussi Hynninen ( T. Valjakka / J. Hynninen + Gothoni BIS CD-64 - cote Médiathèque : FS0558 )
     

  • Jouni Kaipainen : Stärnenatten avec le capiteux soprano de Karita Mattila ( K. Mattila dir. Vänskä Ondine ODE 792-2 - cote Médiathèque : GC3426 )
     

  • Joonas Kokkonen : écouter Monica Groop, parfaite dans le cycle avec orchestre Les enfers des oiseaux  (M. Groop + Söderblom BIS CD 485 - cote Médiathèque : FK6755)
     

  • Kaja Saariaho : écouter l’exquis Lonh avec Dawn Upshaw ( D. Upshaw + électronique Ondine ODE 906-2 ) et le CD intitulé From the Grammar of Dream avec e.a. Anu Komsi (A. Komsi + Laivuori / Lintu – P. Salomaa + Lintu.- A. Komsi/P. Komsi – A. Komsi / R. Rantanen + Lintu / instr. Ondine ODE 958-2 - cote Médiathèque : FS0090)
     

Pour les plus curieux :
 

  • Einojuhani Rautawaara : avec Soile Isokoski (S. Isokoski + Lamminmäki Finlandia FACD 3780 - cote Médiathèque : GC3269 )
     

  • Arne Nordheim : par Elisabeth Södertröm ( E. Söderström + Caridis Aurora NCD-B 4933 - cote Médiathèque : FN6657)
     

  • Laci Boldemann : avec Håkan Hagegård, le mezzo Sylvia Lindenstrand et le soprano Birgit Nordin
    ( H. Hagegård / S. Lindenstrand / B. Nordin + Klobukar Phono Sveciae PSCD 29 - cote Médiathèque : FB6891 )
     

  • Lars Johan Werle : avec Märta Schéle ( M. Schéle + Lunden BIS CD 38 )
     

  • Kalevi Aho : bien chanté par le soprano Tiina Vahevaara ( T. Vahevaara + Vänskä BIS CD 1066 - cote Médiathèque : FA6864 )
     

  • Erik Nørby : avec la mezzo Anne – Lise Bernsten, grande défenderesse des contemporains nordiques (A-L Berntsen + Arwel Huges Marco Polo 8.224064  - cote Médiathèque : FN6553)
     


 

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