George Frideric HÄNDEL (HAENDEL) (1685 - 1759)

Haendel Giulio Cesare in Egitto

par Benoit van Langenhove


Giulio Cesare in Egitto
Opéra en trois actes
Livret de Nicola Francesco Haym d'après Giacomo Francesco Bussani
Titre français : Jules César en Égypte

Création : King's Theatre, Haymarket, Londres, 20 février 1724.
Numéro de catalogue : HWV 17, HHA 2.14, HG 67

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Le Giulio Cesare de Händel

Giulio Cesare in Egitto est un drame politique, shakespearien et sans doute une des plus grandes réalisations du musicien. Tous les personnages apparaissant dans l’opéra ont réellement vécu, même si l’intrigue subit les indispensables adaptations.

Les années 1722-1723 apparaissent comme fécondes pour Händel. Dans le domaine de la musique de chambre, ouvre, avec ses Sonates pour flûte traversière ou hautbois ou violon et clavecin ou continuo, op. 1 et ses Sonates en trio pour deux violons, hautbois ou flûtes et continuo, Op. 2 , des horizons nouveaux où se profilent l’ombre des musiciens classiques Carl-Philipp Emmanuel Bach, Haydn et Mozart. Dans le domaine de l’opéra, il a repris le terrain un instant perdu au profit de son rival Bononcini. Homme d’action et stratège avisé, Händel veut profiter de la nouvelle saison 1723-1724 pour renverser définitivement la situation en sa faveur. Si la saison s’ouvre le 27 novembre avec une partition de Bononcini, Farnace, dès le 11 décembre, Händel reprend son Ottone. L’année 1724 commence chargée de promesses. Le 5 janvier, pour fêter le retour de George Ier au pays après un long voyage à Hambourg, Händel crée devant toute la famille régnante une nouvelle partition sur le Psaume 103 et reprend l’Utrecht Te Deum and Jubilate écrit onze ans plus tôt. Heureux moment qui prélude à la création, quelques semaines plus tard au Giulio Cesare in Egitto.

Giulio Cesare in Egitto est le sixième opéra écrit à Londres par Händel pour la Royal Academy of Music. Il fut créé au King’s Theatre in the Haymarket le 20 février 1724. Pour ceux qui connaissent un peu Londres, Haymarket est une rue entre Pall Mall et Piccadilly Circus. Le bâtiment qu’a connu Händel a brûlé en 1789. Il fut rapidement reconstruit et existe toujours sous le nom de King’s Theatre in the Haymarket. Actuellement, on y joue la comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber Phantom of the Opera.

La distribution comprenait, dans le rôle de César, le castrat alto – Senesino, la soprano Francesca Cuzzoni dans le rôle de Cléopâtre, l’alto Anastasia Robinson dans le rôle de Cornelia, la soprano Margherita Durastanti dans le rôle de Pompée, le castrat alto Gaetano Berenstadt dans le rôle de Tolomeo. L’opéra fit un grand effet en raison de sa partition somptueuse et de sa richesse mélodique. L’opéra donna aussi à Sestino et à Cuzzoni l’occasion d’exploiter pleinement leur talent dramatique et lyrique. Il y eut treize représentations lors de sa première saison en février, mars et avril 1724. Dix nouvelles représentations se donneront dans une version revue et corrigée en janvier et février 1725. Dans cette version, Händel supprime le rôle de Curio et le rôle de Nireno devient muet. La partie de Sextus, enrichie de trois nouveaux airs, est transposée du registre de soprano à celui de ténor. Ptolémée reçoit également un nouvel air. Nouvelles modifications pour onze nouvelles représentations qui se déroulent en janvier, février et mars 1730. Cette fois-ci, Händel adapte la partition à sa distribution : deux nouveaux airs sont écrits pour Anna Maria Strada del Pô, nouvelle titulaire du rôle de Cléopâtre. Les dernières retouches à la partition datent de la reprise de 1732 où Händel transforme certains arias da capo en cavatine. À l’exception de Rinaldo, Giulio Cesare in Egitto est l’opéra de Händel le plus joué en Europe au XVIIIe siècle : l’opéra est monté à Brunswick, Hambourg et Paris entre 1725 et 1737.

Au XXe siècle, le professeur Oskar Hagen exhume (et défigure largement) Giulio Cesare in Egitto pour son festival Händel de 1922 à Göttingen. La partition, écrite à l’origine pour un plateau de voix aiguës, se transforme en confrontation de baryton-basses. Néanmoins, l’œuvre reprend sa carrière pour devenir, une nouvelle fois, le plus populaire des opéras de Händel.

 

Synopsis

Jules César est aux prises avec Pompée le Grand dans un âpre combat destiné à lui assurer le contrôle de l’Empire Romain. Lors de leur plus récente bataille à Pharsale (48 avant J.C.), César a vaincu son rival, lequel prit la fuite en Égypte, contrôlée conjointement par Ptolémée et sa sœur, Cléopâtre. César a poursuivi Pompée jusqu’à Alexandrie.


ACTE 1.

Les Égyptiens accueillent César à Alexandrie (Viva, viva). Cornélie et Sextus (Sesto), respectivement la femme et le fils de Pompée demandent que la paix soit faite entre les deux Romains et César accepte. C’est alors qu’arrive Achilla, commandant des armées égyptiennes, porteur d’un cadeau à César de la part de Ptolémée (Tolomeo), roi d’Égypte : c’est la tête de Pompée. Stupéfait, César confie à Achilla qu’il doit se rendre à la cour de Ptolémée et rencontrer le Roi (Empio, diro tu sei ). Sextus promet à sa mère qu’il vengera la mort de son père (Svegliatevi nel core). Dans ses appartements royaux, Cléopâtre déclare qu’un jour, le trône lui appartiendra à elle seule. Nirenus (Nireno), sa confidente, lui apprend que son frère a apporté la tête de Pompée à César. Elle décide alors de prendre les choses en main et de traiter avec César avec plus d’efficacité (Non disperar, chi sà). Ptolémée fait son entrée et frère et sœur se disputent pour savoir qui est le plus à même de régner sur l’Égypte. Cléopâtre une fois partie, Achilla apprend à Ptolémée que son cadeau à l’intention de César ne fut guère apprécié. Il conseille à son roi de faire assassiner César. Achilla se chargera lui-même du meurtre à condition qu’en retour Ptolémée lui offre Cornélie en mariage. Ptolémée accepte, bien que lui-même désire Cornélie (L’empio, sleale indegno ). Dans ses quartiers militaires, César contemple l’urne contenant les cendres de Pompée (Alma del gran Pompeo). Il médite sur la nature éphémère de la vie. Cléopâtre fait son entrée sous le nom de « Lydia », dame de cour de la reine Cléopâtre. César est subjugué par sa beauté. Elle lui confie que quoique d’ascendance noble, Ptolémée l’a dessaisie de sa fortune. Elle demande justice. César lui répond qu’il est sur le point de se rendre à la cour de Ptolémée et qu’il lui fera part de sa requête. (Non è si vago e bello). Une fois César parti, Nirenus assure Cléopâtre qu’elle a su gagner l’affection du Romain. Cornélie s’approche afin de rendre hommage aux cendres de Pompée (Nel tuo seno). Elle saisit une épée d’une pile de trophées et jure de venger la mort de son mari. Sextus lui promet qu’il pourra accomplir son devoir (Cara speme). Cléopâtre, toujours sous les traits de « Lydia » s’avance et leur dit qu’elle les aidera dans leur entreprise vengeresse. Elle peut les aider à accéder au palais (Tu la mia stella sei ). Au palais royal, César exprime à Ptolémée sa désapprobation à l’égard du meurtre de Pompée. Une fois seul, il songe au chasseur habile qui, invisible, se déplace en silence, (Va tacito e nascosto). Il prend congé. Achilla présente Cornélie et Sextus à Ptolémée. Les Romains réprimandent le roi pour le meurtre de Pompée. Pour les punir de leur audace verbale, le roi ordonne que Sextus soit confiné au palais et que Cornélie rejoigne le jardin du harem. Achilla fait des avances à Cornélie mais celle-ci le rejette (Tu sei il cor). Il laisse mère et fils se morfondre sur leur sort cruel (Son nata a lagrimar).

ACTE II.

Dans les jardins du palais, Nirenus assure Cléopâtre (toujours déguisée en « Lydia ») que César ne manquera pas d’être fasciné par elle. « Lydia » se charge de divertir César, sous les traits de la Vertu (V’adoro, pupille). César est sous le charme (Se in fiorito). Tandis que Cornélie se lamente (Deh, piangete), Achilla fait son apparition et tente une nouvelle fois de la séduire. Ptolémée arrive. Achilla lui confie qu’il n’a guère de succès auprès de Cornélie mais lui assure qu’il tuera César le jour-même. Cornélie menace de se suicider (Cessa omai di sospirare), mais Sextus survient juste à temps, accompagné de Nirenus pour l’en empêcher. Sextus renouvelle alors sa promesse de tuer Ptolémée (L’angue offeso). Cléopâtre en appelle à Vénus pour l’aider à conquérir le cœur de César (Venere bella). Elle feint de dormir. César entre et est frappé par la beauté de « Lydia ». Curius (Curio), le tribun romain, surgit et annonce que les Égyptiens demandent la mort de César. « Lydia » révèle alors sa véritable identité, Cléopâtre, reine d’Égypte, et offre son aide pour calmer le soulèvement. Elle conseille à César de fuir la région mais celui-ci tient à rester maître de la situation ( Al lampo dell’ armi ). Cléopâtre, restée seule et réalisant combien César est vulnérable, demande aux dieux de l’aider (Se pietà).

ACTE III.

Ptolémée émerge victorieux de sa lutte entre les forces de Cléopâtre et lui ; elle est désormais la prisonnière de son frère. Il l’enchaîne et prend congé, lui déclarant qu’elle s’agenouillera bientôt devant lui (Domerò la tua fierezza). Cléopâtre se morfond sur son sort et est conduite sous bonne garde (Piangerò la sorte mia ). Laissé pour mort, César apparaît, seul, au large des côtes, ayant survécu à une tentative de couler sa flotte dans le port d’Alexandrie (Aure, deh per pietà). Il se cache, alors que Sextus et Nirenus font leur entrée, à la recherche de Ptolémée. Ils découvrent Achilla, mortellement blessé au bord de l’eau. Il avoue le meurtre de Pompée, leur prie de dire du bien de lui à Cornélie et leur donne une bague en leur disant qu’une centaine d’hommes en armes sont prêts à obéir à celui qui la portera. Il meurt. César s’avance et s’empare de la bague de Sextus. Il explique comment il est parvenu à s’échapper du port et leur donne l’ordre de le suivre alors qu’il s’apprête à faire appel aux soldats et sauver Cornélie et Cléopâtre de Ptolémée (Quel torrente). Dans ses appartements, Cléopâtre fait ses adieux à ses dames de cour mais soudain César et les soldats font irruption et la libèrent. César la quitte pour poursuivre la bataille alors qu’elle se réjouit de la nouvelle tournure prise par les évènements (Da tempeste il legno infranto). Ptolémée tente de courtiser Cornélie dans le harem du palais, mais Sextus les surprend et tue le roi. Cornélie bénit son fils vengeur. César assure Sextus de son amitié et proclame son amour pour Cléopâtre. Il lui offre le trône (Caro, più amabile beltà) alors que le peuple l’acclame (« Ritorni omai »).

D'après The Metropolitan Opera International Radio Broadcast Information Center.

Distribution

Romains
Giulio Cesare (Jules César), primo imperatore de' Romani, castrat alto
Curio (Curion), tribun de Rome, basse
Cornelia (Cornelie), veuve de Pompée, contralto
Sesto (Sextus), fils de Pompée et de Cornelia, soprano

Égyptiens
Cleopatra (Cléopâtre), reine d'Égypte, soprano
Tolomeo (Ptolémée), roi d'Égypte, frère de Cléopâtre, castrat alto
Achilla (Achillas), général et conseiller de Tolomeo, basso
Nireno (Nirenus), confident de Cléopâtre, castrat alto

Egytiens et conjurés, soldats, gardes, suivantes

L'action se déroule à Alexandrie, Égypte en 48 - 47 av. J.C.

Discographie

Avec ce double statut d’opéra baroque et de pièce du répertoire, comment placer une production de Giulio Cesare in Egitto ? Presque toutes les scènes du monde se sont penchées sur son cas, avec les moyens et les ambitions d’une maison d’opéra, c’est-à-dire avec des grandes voix formées à Wagner et Verdi et des chefs pour qui Händel n’est qu’un respectable marginal, un accident mystérieux et singulier sur la route qui va de Monteverdi à Wagner : Jules César est le seul opéra händelien à connaître et à chanter. C’est ce qui explique à la fois le nombre considérable des productions de l’ouvrage montées de par le monde, la quantité surprenante de traces discographiques et la vitesse à laquelle ces traces se sont démodées (dans ces enregistrements vous trouverez des chanteurs comme Boris Christoff, Kiri te Kanawa, Beverly Sills, Maureen Forrester, Dietrich Fischer-Dieskau ... ). Et pour les chefs « baroqueux », le challenge interprétatif est immense. Harnoncourt, par exemple, s’y est cassé les dents. Car la partition de Giulio Cesare in Egitto est une musique pour star. Cuzzoni et Senesino, les créateurs des rôles de César et Cléopâtre, étaient les gloires absolues du chant orné. Et puis, quelle version de la partition choisir : 1724, 1726, 1730, 1732, un mélange du tout ?

Pendant longtemps, la version dirigée par Karl Richter a dominé la discographie. Les options esthétiques choisies avaient de quoi faire rire tous les baroqueux de la terre, mais l'affiche vocale n'offrait que des stars : avec Fischer-Dieskau (baryton) en César, Tatiana Troyanos en Cléopâtre, Julia Hamari en Cornelia, Peter Schreier en Sextus et Franz Crass en Tolomeo les oreilles étaient à la fête (BH3741). René Jacobs propose en 1991 son intégrale avec l'ajout d'un air supplémentaire pour Nireno. Comme toujours, chez Jacobs, l'accent est mis sur la dramatisation. De la distribution vocale, je retiens surtout Barbara Schlick et Jennifer Larmore dans les rôles de Cléopâtre et de Jules César (BH3745). Ces dernières années, deux nouvelles versions, respectueuses des critères d'interprétation de la musique baroque, ont bousculé la hiérarchie. La première, en CD, longuement mûrie par de nombreuses représentations théâtrales et des tournées de concert, nous offre un plateau de stars réunies autour de Marc Minkowski (BH3756), la seconde, en DVD, dirigée par William Christie et mise en scène par David McVicar(BH3758), provient d'une des plus passionnantes représentations théâtrales issue du festival britannique de Glyndebourne. Pour avoir vu et entendu les deux interprètes aussi bien à la scène qu'à l'enregistrement, et en souvenir des merveilleux moments musicaux passés en leur compagnie, je serais injuste d'utiliser une balance de pharmacien pour départager finement ces deux productions. Il faut voir et entendre et réentendre les deux productions pour en extirper tous les nombreux trésors qu'elles contiennent.

La discographie complète de Giulio Cesare se trouve ici.

 

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