Igor STRAVINSKI (1882 - 1971)

A Midsummer Night's Dream

par Benoit van Langenhove


Opéra en trois actes et un épilogue
Livret de Wystan Hugh Auden et Chester Kalman
Titre français : La Carrière du libertin

Composition : 1948 - 1951
Création : Venise, Teatro de la Fenice, le 11 septembre 1951

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Repères sur l'opéra

The Rake’s Progress (La carrière du libertin) est à la fois l’œuvre la plus longue de Stravinsky et sa dernière partition de son esthétique «néo-classique ». L’œuvre suivante, sa Cantate, marque son passage vers une intégration de la musique sérielle.

En accord avec l’époque où se situe l’action, la forme renoue avec l’opéra à numéros du XVIIIe siècle. Le Rake's Progress se subdivise en une suite d’airs avec reprise et «da capo », d’ensembles (duos, trios, …), de chœurs, d’interludes et de récitatifs secco (accompagnés au clavecin ou par l’orchestre).

Le livret est une parfaite réussite d’architecture, d’équilibre et de symétrie. Il se partage en 3 actes de 3 scènes. Chacun des actes répond également à un schéma A-B-A, c.-à-d. que la première scène de l’acte correspond à la troisième (jardin de Truelove au 1er acte, antichambre de Tom à Londres au 2e acte).

L’œuvre pose un curieux problème d’éthique artistique : le Rake’s Progress est-il un pastiche ou un plagiat ? Le compositeur semble y multiplier les «emprunts » de Bach à Gluck, de Donizetti et Bellini à Gounod et Verdi, en passant par Stravinsky lui-même et Rossini. Par contre, la source stylistique est clairement revendiquée et avouée : c’est le Cosi fan tutte de Mozart, ainsi que le Don Giovanni pour la scène du cimetière et du final du 3e acte.

Lors de la création à Venise, les critiques italiens s’étaient précipités sur l’air d’Anne Truelove au premier acte pour illustrer la thèse du plagiat. L’argumentation aurait été solide si tous avaient choisi le même compositeur. Or c’était loin d’être le cas ! On le sait, l’œuvre de Stravinsky, durant les années 1930, a largement sacrifié aux archétypes néoclassiques. L’air d’Anne «I go, I go to him » est intitulé dans la partition «cabalette »doit plutôt est considérée comme un hommage : nous sommes chez Donizetti ou chez le premier Verdi, avec un superbe contre-ut pour marquer le climax final.

Autre exemple de référence : à la fin de la 2e scène de l’acte 2, l’orchestre se donne l’habit de cour des «ouvertures » du XVIIIe siècle - ouverture dans le sens des Ouvertures (ou suites) pour orchestre de J.S. Bach. A ce moment de l’histoire, Tom emmène solennellement son épouse vers son logis. Découvrant que la dame est porteuse d’une barbe, les passants se moquent de ce dernier.

Le troisième acte est le plus réussi de l’opéra. Après une scène d’enchère où les biens de Tom Rakewell sont dispersés à un train d’enfer, nous nous retrouvons dans un cimetière par une nuit sans étoiles. La référence au Don Giovanni de Mozart est évidente. Ici, c’est Nick Shadow qui joue le rôle du commandeur. Un an et un jour sont passés depuis la rencontre de Tom et de Nick. Ce dernier vient réclamer le prix de son pacte méphistophélique : la mort de Tom. Le prélude de la scène, lugubre, est orchestré pour les cordes (sans les contrebasses). Une sourde angoisse pèse sur le duo des deux hommes qui suit. Cette angoisse est marquée par un motif bâtit sur un rythme très serré de quatre triples croches en tierces ascendantes.

Soyons honnête, le Rake's Progress n’est pas un chef d’œuvre. L’écriture vocale de Stravinsky, très hiératique, fonctionne mieux dans des œuvres religieuses ou para-religieuses. Mais si le style est assez disparate, la maîtrise de la réalisation de l’opéra et l’agrément de sa substance musicale mérite toute notre admiration.


The Rake's Progress - Production de Robert Lepage - La Monnaie, avril 2007.

Synopsis

Acte 1

Scène 1 : Le jardin de la maison de Trulove, au printemps.

Le jeune Tom Rakewell, gentilhomme impécunieux, est épris d’Anne Trulove. Le père de la jeune fille, propriétaire foncier, souhaite sincèrement le bonheur du jeune couple, mais il met secrètement en doute la force de caractère de Tom. Il estime ses soupçons fondés lorsque Tom refuse un emploi stable à la Cité. Tom s’en remet plus volontiers à la fortune. Un étranger, qui se présente sous le nom de Nick Shadow, arrive soudainement en annonçant le décès d’un oncle inconnu de Tom, qui lui aurait légué tous ses biens. Tom doit le suivre pour liquider cette succession. Shadow se propose comme serviteur et guide à travers les vicissitudes de la vie. La question de ses gages sera réglée en temps opportun – un an et un jour plus tard. Tom le rétribuera en fonction de la valeur à laquelle il aura estimé ses services. Tom prend congé d’Anne et de son père.

Scène 2 : Le bordel de Mother Goose.

Shadow familiarise Tom avec les avantages de sa nouvelle prospérité. Bruyamment soutenu par des prostituées et de jeunes noceurs, Tom répète le catéchisme de son nouveau credo. Affublée du titre de Lady Bishop, Mother Goose préside la cérémonie. Le néophyte donne satisfaction jusqu’à la question de son amour nostalgique pour Anne, et du regret de son bonheur d’antan. Mother Goose l’incite à boire davantage, et les remords s’évanouissent. Les filles de joie l’aideraient de tout cœur à dissiper son chagrin ; mais Mother Goose réclame le jeune homme pour elle seule.

Scène 3 : Le jardin de Trulove en hiver.

Les mois ont passé et Anne est sans nouvelles de Tom. Elle pressent qu’il a besoin d’elle et se propose de le chercher.

Acte 2

Scène 1 : Chez Tom.

Blasé, déçu, Tom cherche désespérément le bonheur. Shadow l’exhorte à épouser Baba la Turque, la nouvelle sensation de la foire de St-Gilles ; il argue que l’on ne peut être heureux qu’en agissant librement, et que, pour être libre, il faut défier la tyrannie du désir et du devoir. Baba, la femme à barbe, représente l’antithèse du désir ; il ne lui devra rien. Elle est l’agent tout désigné de son bonheur. Tom se laisse convaincre par Shadow. Il courtise Baba et obtient sa main.

Scène 2 : A Londres.

Anne trouve Tom, qu’elle voit arriver en berline. Elle le salue, mais il la prie de retourner chez elle et de l’oublier. Londres ne convient pas à sa bonté, à sa vertu. Anne proteste de son amour pour Tom et le quitte, écrasée de honte en apprenant que l’occupante impatiente de la berline est Baba la Turque, devenue son épouse. Tom guide Baba la Turque, voilée, devant les citadins qui se pressent et supplient Baba de se laisser entrevoir. Sur les instances de cette foule, elle se dévoile.

Scène 3 : Chez Tom.

Baba prend son petit déjeuner avec Tom. Elle énumère les cadeaux reçus de ses innombrables admirateurs au cours de ses tournées triomphales à travers l’Europe. Tom l’exaspère par sa lassitude et son indifférence. Baba l’accuse d’être toujours épris d'Anne ; elle écume de rage et de jalousie. Tom étouffe ses plaintes ; puis il retombe dans le sommeil, ultime refuge devant l’ennui. Sur ces entrefaites, Shadow introduit chez lui une machine truquée, supposée transformer des pierres en pain. Tom se réveille et raconte à Shadow qu’il vient de rêver à ce genre de machine. Loin de se rendre compte que c’est un attrape-nigaud, il voit en elle le moyen d'enrayer la pauvreté et de faire le bonheur des indigents. Par cette bonne action, il espère redevenir digne de l’amour d’Anne. Il se propose de consacrer toute son énergie à collecter des fonds pour cette entreprise philanthropique.

Acte 3

Scène 1 : Chez Tom.

L’escroquerie de Tom a émergé au grand jour, provoquant sa ruine en même temps que celle d’innocents qui ont investi dans son projet. Des citadins alléchés se pressent pour assister à la vente aux enchères de ses biens. Anne est arrivée, soucieuse d’avoir des nouvelles de Tom ; mais personne ne peut lui dire où il se trouve. Sellem, le commissaire-priseur, donne le coup d’envoi à la vente. Les enchères flambent, et sont portées à leur paroxysme lorsque Sellem offre un objet mystérieux : c’est Baba, qui aussitôt se rue à la défense de ses biens, inconsciente du temps écoulé depuis que Tom l’a réduite au silence. On entend Tom et Nick chanter des quolibets à l’adresse de Baba. Anne revient au son de ces voix. Baba lui confie que Tom aime toujours Anne, dont seul l’amour peut encore le sauver. Anne se précipite à la recherche de Tom. Baba se résoud à remonter sur les tréteaux de la foire.

Scène 2 : Un cimetière.

Un an et un jour ont passé depuis que Shadow est entré au service de Tom ; et le voici qui réclame sa rétribution : l’âme de Tom. Une tombe est ouverte, fraîchement creusée. Shadow commence par offrir à Tom le choix de sa mort : par le poison, le fer, la corde ou le feu. Puis il lui propose de s’en remettre aux cartes pour décider de son sort. Shadow se dispose à tricher. Mais le souvenir d’Anne inspire Tom avec bonheur ; et il gagne le jeu. Furieux de voir que son astuce a été déjouée et que l’âme de Tom lui échappe, Shadow se venge en le frappant de folie.

Scène 3 : Un asile d’aliénés.

Tom est enfermé dans un asile d’aliénés où il se croit Adonis. Anne lui rend visite ; il la prend pour Vénus, qu’il n’a cessé de chercher. Il lui demande pardon pour avoir si longtemps dédaigné son amour. Elle le réconforte et le borde en lui chantant une berceuse. Son amour n’a pas fléchi. Seulement, elle se rend compte que ce n’est plus elle mais bien Vénus que Tom convoite désormais ; aussi consent-elle tristement à rentrer chez elle avec son père. Tom se réveille et s’aperçoit que Vénus est partie. Son cœur se brise de désespoir. Les fous se lamentent sur la perte d’Adonis, l’amant de Vénus.

(extrait du programme de la production de La Monnaie - avril 2007)


The Rake's Progress - Production de Robert Lepage - La Monnaie, avril 2007.

Distribution

Trulove, basse
Anne Trulove, sa fille, soprano
Tom Rakewell, soupirant d'Anne, t énor
Nick Shadow, baryton
Mother Goose, tenancière de maison close, mezzo-soprano
Baba la Turque, femme à barbe dans un cirque, contralto
Sellem, commissaire-priseur, t énor
Gardien de l'hospice, basse
Prostituées, mauvais garçons, domestiques, citadins, aliénés, choeurs

L'action se déroule dans l'Angleterre du XVIIIe siècle.

Discographie

Pour la discographie complète du Rake's progress d'igor Stravinski, cliquez ici.

 

Bibliographie

Liens

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Représentations dans le monde

 


The Rake's Progress - Production de Robert Lepage - La Monnaie, avril 2007.

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