Giuseppe VERDI (1813-1901)

Par Benoit van Langenhove  


Grand opéra en cinq actes
Livret de Joseph Méry et Camille du Locle,
d'après Schiller : Don Carlos, Infant von Spanien (1787)

Création: Paris, Académie Impériale de Musique (salle Le Peletier), le 11 mars 1867. Création de la version révisée : Milan, Teatro alla Scala, 10 janvier 1884

 

Le livret

Don Carlos, fils du roi d'Espagne Philippe II, s'est fait, sur les conseils de son ami Rodrigue, défenseur des Pays-Bas persécutés par le duc d'Albe. D'autre part, il aime Elisabeth de Valois que son père a épousée. Trahi par la jalousie de la princesse Eboli, Don Carlos, pour échapper à la justice royale et à l'Inquisition, se réfugiera dans le cloître où s'est retiré Charles Quint.

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Les versions de Don Carlo(s)

Pour le mélomane courant, il existe deux versions de Don Carlos, celle en cinq actes, avec un livret français - Don Carlos - et celle en quatre actes, avec un livret italien - Don Carlo. Les musicologues relèvent cinq ou sept versions éligibles écrites en une vingtaine d'années. La partition a été commandée par l'Académie Impériale de Musique (l'Opéra de Paris) à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1867.
Dans la tradition de "la grande boutique"(surnom donné par Verdi à l'Opéra de Paris), l'opéra devait être chanté en français, comporter au moins un ballet et devait donner lieu à une imposante mise en scène. Le résultat ne fut guère dans la manière de Verdi par la durée et la curieuse distribution des tableaux et des actes. Le ton général est grave, mais l'opéra est criblé d'épisodes, voire de scènes qui parurent d'une vulgarité sans remède à la critique. D'où les nombreux remaniements et refontes. En schématisant, on peut dégager quatre versions principales :

  • La version originale (1866). C'est la partition composée en français par Verdi dans l'état où elle se trouvait juste avant les répétitions. Elle est en cinq actes et ne contient pas de ballet.

  • La version de la création parisienne (1867). Par rapport à la partition originale, Verdi a ajouté un ballet intitulé "La Pelegrina" et effectué 8 coupures afin de maintenir la durée de l'opéra inférieure à 3h30.

  • La version de Milan (1884). Version révisée par Verdi en quatre actes. Le compositeur supprime totalement l'acte 1 (l'acte qui se déroule en France à Fontainebleau) et le ballet, et  remanie des scènes entières (près de la moitié de l'opéra). Le livret est réarrangé, en français, par du Locle, puis est traduit en italien par de Lauzières et Zanardini.

  • La version de Modène (1886). C'est une version hybride en cinq actes entre la version de la création parisienne (1867) et celle de Milan (1884). Verdi n'a, semble-t-il, pas participé à ce remaniement et on ignore son opinion sur le sujet.


Bien que l'opéra ait été traduit en italien, Don Carlos a toujours été pensé par Verdi dans la langue française et il est regrettable que les hasards de la postérité l'aient inscrit au répertoire en italien.

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L'oeuvre


Malgré tous ces avatars, Don Carlos ne cesse d'exercer une fascination sans borne sur tous ceux qui le connaissent. Dédaigné pendant près d'un siècle parce que jugé comme une sorte de préparation maladroite, un "banc d'essai" pour Aïda, Otello et Falstaff, il est considéré de nos jours comme une des plus belles oeuvres du musicien, voire une des plus grandes, avec des moments de vérité bouleversante. L'action, qui repose principalement sur la pièce Don Carlos de Schiller (1805), est beaucoup plus complexe que d'ordinaire chez Verdi. Elle dépeint toute l'échelle des passions et sentiments, sur un arrière-plan historique où les émotions et les problèmes humains sont étroite ment liés à des ambitions de caractère intemporel, politique et religieux. René Leibowitz parle d'un magnifique opéra du "clair-obscur" : conflit entre "réalisme" (sujet historique à résonances politiques) et "irréalisme" (le spectre de Charles Quint qui hante la conscience des protagonistes) ou, au niveau de la technique musicale, une opposition constante du mode mineur "obscur" et du mode majeur "clair".
Le grand opéra français, nous l'avons déjà signalé, se construit sur des scènes obligées. Meyerbeer donna à ce genre codifié quelques-unes de ses réalisations les plus éclatantes : Robert le Diable, Les Huguenots ou Le Prophète. Clé de voûte de ce type d'ouvrage, la scène rituelle, avec grande scénographie, est représentée ici par le tableau de l'autodafé, pour lequel Verdi signa une monumentale composition dont la complexité dépasse de loin la marche triomphale d'Aïda. Plus loin, le monologue de Philippe II demeure une page d'anthologie du théâtre lyrique et le formidable duo du roi et du Grand Inquisiteur, qui fait suite, est d'une puissance dramatique sans égale.
 

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La distribution

Philippe II, Roi d'Espagne - basse
Don Carlos, Infant d'Espagne - ténor
Rodrigue, Marquis de Posa - baryton
Le Grand Inquisiteur - basse
Un moine - basse
Elisabeth de Valois - soprano
La Princesse Eboli, sa dame d'honneur - mezzo-soprano
Thibault, page d'Elisabeth de Valois - soprano
La Comtesse d'Aremberg - rôle muet
Le Comte de Lerme - ténor
Un héraut royal - ténor
Une voix d'en haut - soprano
Députés flamands - basses
Inquisiteurs - basses

L'opéra se déroule en France et en Espagne vers 1560.

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Discographie sélective

En français

Abbado propose la version française de 1886 avec, en appendice, des extraits coupés dans la version de 1867. Malheureusement, le plateau vocal inégal, sans chanteurs francophones, gâche le plaisir (DV3510). Pappano est disponible sous format disque compact (DV3511) et sous format DVD (DV3512). Le plateau est ici moins inégal. Deux francophones, José van Dam et Roberto Alagna, assurent les rôles principaux. Le mélomane choisira plutôt la version DVD pour profiter de la formidable mise en scène de Bondy.


En italien

Ici le disque a été plus heureux. Dans la version en cinq actes, Solti, nerveux, grandiose, théâtral à souhait, conduit une somptueuse brochette de chanteurs (DV3513). Giulini, lui aussi en cinq actes, est merveilleusement musical, sculptant avec soin le modelé de ses phrasés. Sa distribution a l'éclat de la jeunesse, à défaut d'une forte présence dramatique (DV3514). Pour la version en quatre actes, on retiendra la fastueuse version de Karajan, ostentatoire, mais dont le plateau vocal ménage d'heureuses surprises (DV3516).

Autres versions : DV3509, DV3515, DV3517, DV3518, DV3519, DV3520, DV3521. En vidéo: DV3508, DV3509).

 

Pour connaitre la distribution complète et la disponibilité, cliquez sur la référence Médiathèque.

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Bibliographie

BOURGEOIS, Jacques, Giuseppe Verdi, biographie, Juillard, 1978
CABOURG, Jean, Guide des opéras de Verdi, Fayard, 1990
DE VAN, Gilles, Verdi, un théâtre en musique, Fayard, 1992
LABIE, Jean-François, Le cas Verdi, Laffont, 1987
LEIBOWITZ, René, "Don Carlo ou Les Fantômes du clair obscur" in Les Fantômes de l'opéra: essais sur le théâtre lyrique, Gallimard, 1972.
PETIT, Pierre, Verdi, Collection "Solfèges", Le Seuil, 1976
PHILIPS-MATZ, Mary Jane, Giuseppe Verdi, Fayard, 1996 
Don Carlos, L'Avant-Scène Opéra n°91-92, 1986. 

Liens

L'Avant-Scène Opéra a consacré son n°91-92  à  Don Carlos

Le livret de la version de Milan dans sa traduction italienne se trouve en ligne :

Le site de la Fondation Verdi

Quelques journaux et magazines consacrent des dossiers à Verdi

 La Libre Belgique

 L'Express

 Le Figaro

 Le Monde

 

Représentations en Europe

Brno, Opéra Janácek : 3 - 13 octobre 2001
Cologne, Oper der Stadt : 2 mars - 13 juin 2002
Dublin, Opéra d'Irlande : 17 - 25 novembre 2001
Duisburg, Deutsche Oper am Rhein : 17 mai - 1 juin 2002
Dusseldorf, Deutsche Oper am Rhein : 12 juin - 5 juillet 2002
Hambourg, Hamburgische Staatsoper : 4 - 28 novembre 2001
Klagenfurt, Stadttheater Klagenfurt : 11 octobre - 15 décembre 2001
Leipzig, Opéra : 15 février - 3 mai 2002
Munich, Bayerische Staatsoper : 11 - 14 juillet 2002
Pise, Teatro Comunale Verdi : 12 - 14 octobre 2001
Stuttgart, Staatstheater Stuttgart : 28 octobre 2001 - 9 juin 2002
Vienne, Staatsoper : 2 septembre 2001 - 8 avril 2002
Zurich, Opernhaus Zürich : 13 avril 2002
 

Représentations dans le monde

 

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