Grand opéra en cinq actes
Livret de Joseph Méry et Camille du Locle,
d'après Schiller : Don
Carlos, Infant von Spanien (1787)
Création: Paris, Académie Impériale de Musique (salle Le Peletier), le 11
mars 1867. Création de la version révisée : Milan, Teatro alla Scala, 10
janvier 1884
Le livret
Don
Carlos, fils du roi d'Espagne Philippe II, s'est fait, sur les conseils de
son ami Rodrigue, défenseur des Pays-Bas persécutés par le duc d'Albe.
D'autre part, il aime Elisabeth de Valois que son père a épousée. Trahi
par la jalousie de la princesse Eboli, Don Carlos, pour échapper à la
justice royale et à l'Inquisition, se réfugiera dans le cloître où s'est
retiré Charles Quint.
Pour le mélomane courant, il existe deux versions de Don Carlos,
celle en cinq actes, avec un livret français - Don Carlos - et
celle en quatre actes, avec un livret italien - Don Carlo. Les
musicologues relèvent cinq ou sept versions éligibles écrites en une
vingtaine d'années. La partition a été commandée par l'Académie Impériale
de Musique (l'Opéra de Paris) à l'occasion de l'Exposition Universelle de
1867.
Dans la tradition de "la grande boutique"(surnom donné par Verdi à l'Opéra
de Paris), l'opéra devait être chanté en français, comporter au moins un
ballet et devait donner lieu à une imposante mise en scène. Le résultat ne
fut guère dans la manière de Verdi par la durée et la curieuse
distribution des tableaux et des actes. Le ton général est grave, mais
l'opéra est criblé d'épisodes, voire de scènes qui parurent d'une
vulgarité sans remède à la critique. D'où les nombreux remaniements et
refontes. En schématisant, on peut dégager quatre versions principales :
La version originale (1866). C'est la partition composée en
français par Verdi dans l'état où elle se trouvait juste avant les
répétitions. Elle est en cinq actes et ne contient pas de ballet.
La version de la création parisienne (1867). Par rapport à la
partition originale, Verdi a ajouté un ballet intitulé "La Pelegrina" et
effectué 8 coupures afin de maintenir la durée de l'opéra inférieure à 3h30.
La version de Milan (1884). Version révisée par Verdi en quatre actes.
Le compositeur supprime totalement l'acte 1 (l'acte qui se déroule en
France à Fontainebleau) et le ballet, et remanie des scènes
entières (près de la moitié de l'opéra). Le livret est réarrangé, en
français, par du Locle, puis est traduit en italien par de Lauzières et
Zanardini.
La version de Modène (1886). C'est une version hybride en cinq
actes entre la version de la création parisienne (1867) et celle de
Milan (1884). Verdi n'a, semble-t-il, pas participé à ce remaniement et on
ignore son opinion sur le sujet.
Bien que l'opéra ait été traduit en italien, Don Carlos a toujours
été pensé par Verdi dans la langue française et il est regrettable que les
hasards de la postérité l'aient inscrit au répertoire en italien.
Malgré tous ces avatars, Don Carlos ne cesse d'exercer une
fascination sans borne sur tous ceux qui le connaissent. Dédaigné pendant
près d'un siècle parce que jugé comme une sorte de préparation maladroite,
un "banc d'essai" pour Aïda, Otello et Falstaff, il
est considéré de nos jours comme une des plus belles oeuvres du musicien,
voire une des plus grandes, avec des moments de vérité bouleversante.
L'action, qui repose principalement sur la pièce Don Carlos de
Schiller (1805), est beaucoup plus complexe que d'ordinaire chez Verdi.
Elle dépeint toute l'échelle des passions et sentiments, sur un
arrière-plan historique où les émotions et les problèmes humains sont
étroite ment liés à des ambitions de caractère intemporel, politique et
religieux. René Leibowitz parle d'un magnifique opéra du "clair-obscur" :
conflit entre "réalisme" (sujet historique à résonances politiques) et
"irréalisme" (le spectre de Charles Quint qui hante la conscience des
protagonistes) ou, au niveau de la technique musicale, une opposition
constante du mode mineur "obscur" et du mode majeur "clair".
Le grand opéra français, nous l'avons déjà signalé, se construit sur des
scènes obligées. Meyerbeer donna à ce genre codifié quelques-unes de ses
réalisations les plus éclatantes : Robert le Diable, Les
Huguenots ou Le Prophète. Clé de voûte de ce type d'ouvrage, la
scène rituelle, avec grande scénographie, est représentée ici par le
tableau de l'autodafé, pour lequel Verdi signa une monumentale composition
dont la complexité dépasse de loin la marche triomphale d'Aïda. Plus loin,
le monologue de Philippe II demeure une page d'anthologie du théâtre
lyrique et le formidable duo du roi et du Grand Inquisiteur, qui fait
suite, est d'une puissance dramatique sans égale.
Philippe II, Roi d'Espagne
- basse
Don Carlos, Infant d'Espagne - ténor
Rodrigue, Marquis de Posa - baryton Le Grand Inquisiteur - basse
Un moine - basse
Elisabeth de Valois - soprano
La Princesse Eboli, sa dame d'honneur - mezzo-soprano Thibault, page d'Elisabeth de Valois - soprano La Comtesse d'Aremberg - rôle muet
Le Comte de Lerme - ténor
Un héraut royal - ténor Une voix d'en haut - soprano
Députés flamands - basses Inquisiteurs - basses
L'opéra se déroule en
France et en Espagne vers 1560.
Abbado propose la version française de
1886 avec, en appendice, des extraits coupés dans la version de 1867.
Malheureusement, le plateau vocal inégal, sans chanteurs francophones,
gâche le plaisir (DV3510). Pappano est disponible sous format disque
compact (DV3511)
et sous format DVD (DV3512). Le plateau est ici moins inégal. Deux
francophones, José van Dam et Roberto Alagna, assurent les rôles principaux.
Le mélomane choisira plutôt la version DVD pour profiter de la formidable
mise en scène de Bondy.
En italien
Ici le disque a été plus heureux. Dans la version en cinq actes, Solti,
nerveux, grandiose, théâtral à souhait, conduit une somptueuse brochette
de chanteurs (DV3513). Giulini, lui aussi en cinq actes, est merveilleusement musical, sculptant avec soin le modelé de ses phrasés. Sa
distribution a l'éclat de la jeunesse, à défaut d'une forte présence
dramatique (DV3514). Pour la version en quatre actes, on retiendra la
fastueuse version de Karajan, ostentatoire, mais dont le plateau vocal ménage
d'heureuses surprises (DV3516).
BOURGEOIS, Jacques, Giuseppe Verdi,
biographie, Juillard, 1978 CABOURG, Jean, Guide des opéras de Verdi, Fayard, 1990 DE VAN, Gilles, Verdi, un théâtre en musique, Fayard, 1992 LABIE, Jean-François, Le cas Verdi, Laffont, 1987
LEIBOWITZ, René, "Don Carlo ou Les Fantômes du clair obscur" in Les
Fantômes de l'opéra: essais sur le théâtre lyrique, Gallimard, 1972.
PETIT, Pierre, Verdi, Collection "Solfèges", Le Seuil, 1976
PHILIPS-MATZ, Mary Jane, Giuseppe Verdi, Fayard, 1996 Don Carlos, L'Avant-Scène Opéra n°91-92, 1986.
Liens
L'Avant-Scène Opéra a consacré son n°91-92
à Don Carlos