Quelques formes musicales propres au temps pascal

Le poème du Stabat Mater, traditionnellement attribué à Jacopo da Todi (mort en 1306), fut probablement écrit par un moine franciscain anonyme du XIIIe siècle. Il se compose de vingt strophes de trois vers chacune. Exaltant le sentiment de compassion du chrétien devant la Vierge souffrant au pied de la croix, il fut adopté comme séquence dans la messe romaine du XVe siècle pour la fête de la Compassion de la Vierge. Il apparut ensuite au XVIIIe siècle pour la Fête des Sept Douleurs de la Vierge (le 15 septembre). Devenu populaire sous forme d'hymne en latin et en langue vernaculaire, le Stabat Mater quitta l'automne dans le calendrier liturgique pour le printemps et s'imposa rapidement à sa place naturelle dans les offices de la Semaine Sainte. Il inspira de nombreux compositeurs jusqu'à nos jours.

Chantées dès le Moyen Âge, les Lamentations, attribuées au prophète Jérémie et racontant de manière poignante la destruction du temple de Jérusalem par le roi Nabuchodonosor en 587 avant Jésus-Christ, constituent dans la liturgie catholique le texte des trois premières leçons (du latin lectio, lecture lue à l'office) des Matines (offices de nuit) des jeudi, vendredi et samedi saints. Dans la Bible, ces lamentations consistent en cinq chapitres de vingt-deux vers chacun. Les quatre premiers chapitres sont, dans le texte hébreu, des acrostiches alphabétiques (lettres hébraïques qui forment le nom de Dieu). Les lettres de l'alphabet hébreu ont été reprises sans changement dans la traduction latine.

Charpentier Leçons de ténèbres, Office du mercredi saint
Il Seminario Musicale / Gérard Lesne - BC4756

La forme définitive des Lamentations sera fixée par le Concile de Trente qui imposa l'usage du Tonus Lamentationum. On prit assez vite l'habitude de chanter l'office des Ténèbres le soir précédent, en "vigile". Il n'y avait dans l'édifice d'autre lumière que celle de quinze cierges (symbolisant les apôtres et les trois Marie) que l'on éteignait l'un après l'autre à la fin de chaque psaume. Seul continuait à brûler un cierge qui symbolisait la mort du Christ et sa résurrection le dimanche de Pâques.

Sous le titre de Leçons de Ténèbres, les lamentations furent extrêmement populaires en France vers la fin du XVIIe siècle. Les offices de la Semaine Sainte constituèrent véritablement des événements mondains, sévèrement condamnés par l'Église : alors que la sobriété était de mise et que la musique était interdite ces jours-là, les Français ne se rendaient à l'église que pour écouter leurs "vedettes".

Le récit liturgique de la Passion connut dès les premiers siècles de notre ère un traitement musical à part. Cantillé par une seule personne (qui varie le rythme en fonction des personnages) au début de l'ère chrétienne, ce récit gagnera une certaine autonomie au XIIIe siècle avec la répartition de la lecture de la Passion entre différents chantres. Les paroles de Jésus furent toujours récitées dans le registre grave, celles de l'Évangéliste dans le registre moyen et les autres (la foule, les grands-prêtres et les disciples) dans le registre le plus élevé.

À partir du XVe siècle, le chant polyphonique s'empare des paroles qui, dans le texte biblique, sont prononcées par le peuple ou par un groupe de locuteurs, à savoir les turbae. Deux types de passion voient le jour : la passion-répons (à la lecture psalmodiée par le ou les célébrants répondent les interventions de la foule) et la passion-motet (l'ensemble du récit biblique est traité polyphoniquement).

La pratique de la basse continue, qui se généralisa après 1600, l'apparition du Concert Spirituel et d'une musique instrumentale indépendante influencèrent durablement l'histoire de la passion. À côté de l'évolution qui mène du motet à la cantate se développe celle qui va des formes purement vocales de la passion aux débuts de la passion-oratorio. Toujours fermement basée sur le texte des Évangiles, cette nouvelle forme musicale s'appropriera certaines caractéristiques de l'oratorio et de l'opéra, en particulier, l'ajout de récitatifs (remplaçant le plain-chant), d'airs, de chœurs et de chorals..

La passion-oratorio s'épanouira pleinement en Allemagne luthérienne et trouvera son point culminant avec les Passions de Jean-Sébastien Bach. Un même genre de composition fleurit parallèlement en Italie, la passion-dramatique, issues des Sepolcri (scènes apparentées à l'oratorio et se déroulant autour du Saint Sépulcre).

Bach, Passion selon Saint-Jean
John Elliot Gardiner - Monteverdi Choir
English Baroque Soloists - BB5415

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