Le centenaire de la mort d’Hugo Wolf semble
passer inaperçu au milieu de toutes les commémorations
de cette année 2003. La discrétion qui entoure
l’œuvre et la vie de ce compositeur, du moins dans les régions
non germanophones, nous prive d’une musique certes ardue
mais d’une grande qualité artistique.
La majeure partie du catalogue d’opus de Hugo
Wolf est composée de lieder, un genre qu’il porta
à un sommet de perfection. En s'éloignant
du modèle d’essence plus populaire pratiqué
avant lui par Franz Schubert et Robert Schumann, Wolf impose
une connaissance approfondie de la langue allemande, représentant
par là un obstacle à la perception instantanée
de l’adéquation entre le texte et la musique. Cet
élément explique pour une large part la place
peu importante tenue par l’œuvre de Hugo Wolf dans la programmation
des concerts ainsi que dans le répertoire discographique.
Surnommé le "Wagner du lied" à cause
de la communauté de langage et des affinités
naturelles entretenues avec le maître de Bayreuth,
Wolf conçoit ses lieder comme des poèmes symphoniques
miniatures dans lesquels l’esprit du poème se trouve
magnifié. Une osmose se crée entre
la musique du langage et le langage musical, générant
à la fois les intervalles et le rythme, permettant
ainsi à l’auditeur de pénétrer très
profondément dans l’univers du poète. Grâce
à une sensibilité extraordinaire, Wolf réussit
à capter et à transposer en sons les plus
infimes variations de l’âme humaine.
Mais l’œuvre ne doit pas faire oublier l’homme
qui en fut l’auteur et son destin tragique, celui d’un vrai
héros romantique. La personnalité d’Hugo Wolf
se devine peu au travers de son œuvre tant il considérait
que l’homme doit tout sacrifier à cette dernière.
"L’homme n’est que l’instrument de l’œuvre".
Sa correspondance avec sa famille et ses
amis permet de tracer de lui, le portrait d’un homme tour
à tour exalté et déprimé, doutant
de lui-même ou au contraire faisant preuve d’un orgueil
démesuré. Profondément humain dans
ses contradictions, Hugo Wolf fut reconnu en son temps comme
un génie de la musique et apprécié
aussi bien par les spécialistes que par un vaste
public. Dans Vienne au crépuscule, Arthur
Schnitzler fait allusion à la beauté du lied
Auf
ein altes Bild. Il est rare de voir un écrivain
rendre ainsi hommage à un musicien contemporain, témoignant
de la notoriété acquise par l’œuvre de ce
dernier en ce XIXe siècle finissant. Cette gloire
recherchée, enfin atteinte, Wolf en eut-il conscience
alors qu’il entrait progressivement dans les ténèbres
de la folie ?
Plutôt qu’un parcours discographique,
nous vous proposons de découvrir Hugo Wolf et son
époque en espérant vous faire partager la
sympathie éprouvée pour le personnage dans
sa dimension très humaine.
Anne Genette
La Médiathèque d'Uccle
La
jeunesse d'Hugo Wolf >>