Un créateur de lieder fécond
Cette année 1887 est marquée
par deux événements qui vont toucher profondément
le compositeur : la mort de son père qui lui cause
beaucoup de chagrin et l’édition de deux volumes
de lieder chez Emil Wetzler. Ces deux événements
dissemblables agirent-ils comme un déclencheur ?
Une page se tourne dans sa vie et Hugo Wolf entre en possession
de la maîtrise totale de son art.
Dès le début de l’année
1888, apparaît le style de la maturité. Il
n’y a donc pas chez lui d’évolution progressive vers
un sommet mais une éruption brutale à la fois
de l’inspiration créatrice et du langage personnel.
Pendant cette phase active qui s’étend jusqu’à
l’année 1897, Wolf va connaître des pics de
créativité suivis de périodes de stérilité
et de dépression profonde. Ses lettres témoignent
de ses doutes, de ses angoisses face à l’inspiration
qui s’empare de lui comme une fièvre et l’amènent
à penser qu’il est atteint de folie.
En cette période très féconde
naissent les Möricke Lieder (DW7311),
les Eichendorff Lieder (DW7106),
les Goethe Lieder (DW7272)
soit plus de cent vingt-quatre lieder avec accompagnement
de piano dans le courant d'une année. Deux lieder
sont créés à Vienne avec succès.
Un concert consacré aux Möricke Lieder
à la Wagner-Verein de Vienne est, lui aussi, une
réussite, ce succès tant recherché
ne quittera désormais plus Hugo Wolf. C’est enfin
la reconnaissance. Les tournées de concerts aussi
bien en Autriche qu’en Allemagne vont se succéder,
consolidant ainsi les bases de sa notoriété.
Désireux de s’illustrer dans un genre
qui recueillait un enthousiasme unanime au XIXe siècle, Hugo Wolf se met en quête d’un livret
pour la composition d’un opéra. C’est une entreprise
de longue haleine tant les exigences du compositeur en matière
de texte sont grandes.
L’année suivante est consacrée
à l’achèvement des Goethe Lieder
ainsi qu’à l’édition, après révision,
des Möricke Lieder et des Eichendorff
Lieder. En onze mois, voilà composée
la moitié de son œuvre. Le succès de ses lieder,
qui ne cesse de croître, entraîne des tensions
au sein de la Wagner Verein. Des clans s’y opposent. À la
fin de l’année 1889, Wolf commence la composition
du Spanisches Liederbuch (DW7405)
contenant dix lieder sur des sujets religieux et trente-quatre lieder
sur des thèmes profanes. Cet ensemble ne sera terminé
que dans le courant de l’année 1890. En effet, au
début de cette année, Hugo Wolf connaît
une panne d’inspiration qui l’affecte profondément
et fait renaître ses doutes. Il profite néanmoins
de ce passage à vide pour orchestrer certains lieder
et se consacrer à l’édition des Goethe
Lieder. Il reçoit la reconnaissance des professionnels
sous forme d’études critiques de son œuvre. L’éditeur
Schott de Mayence s’intéresse à son travail,
autre témoignage du succès qu’engendre son
travail. La seconde partie de cette année est plus
féconde : il termine le Spanisches Liederbuch,
commence l’Italienische Liederbuch (DW7440)
et crée le cycle des Keller Lieder
(DW7107)
ainsi que Elfenlied (DW7084)
pour soprano, chœur féminin et orchestre. Un voyage
en Allemagne lui permet de nouer de nouvelles relations,
notamment avec Engelbert Humperdinck (1854-1921). À Mannheim,
il fait créer la cantate Christnacht (DW7084)
pour voix solistes, chœur mixte et orchestre mais l’inspiration
qui l’habite, en ce début de l’année 1891, fait
place à la dépression et au silence. Ce nouveau
passage à vide se double d’ennuis de santé
et d’insomnies, troubles qui altèrent profondément
son caractère. C’est ainsi qu’ayant décidé
d’accompagner lui-même au piano les chanteurs lors
des concerts consacrés à ses lieder, il se
montre irascible, ne supportant aucune hésitation,
aucune défaillance et manifestant violemment en public
sa réprobation. La critique, malgré ses excentricités,
reste élogieuse allant jusqu’à parler d’un
"nouveau printemps du lied" et ce, de Berlin jusqu’à
Vienne.
Les vingt-deux lieder de l’Italienisches Liederbuch
sont édités chez Schott à la fin de
l’année 1892.
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