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Travers-sons

Le choix des médiathécaires

O SÜSSER CLAVICHORD !

Johann-Sebastian Bach - Carl Philipp Emmanuel Bach

Jocelyne Cuiller, clavicorde

Cote Médiathèque

BB2044

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La sonorité confidentielle du clavicorde le tient loin des salles de concert et du grand public. Il reste l'instrument des cercles restreints même s'il apparaît, çà et là, sur l'un ou ou l'autre podium de salle de concert nanti d'un système d'amplification lequel, hormis l'audibilité, prive les auditeurs de tout ce qui fait le charme, la magie, le mystère de cet instrument à clavier dont les origines remontent à la presque nuit des temps. C'est donc l'enregistrement discographique qui joue le rôle le plus important dans la réhabilitation du clavicorde et j'attends de celui-ci qu'il soit l'artisan incontournable de cette réhabilitation tant il apparaît comme un merveilleux plaidoyer en faveur du clavicorde. Connue jusqu'ici comme accompagnatrice de l'ensemble Stradivaria, Jocelyne Cuiller nous offre une sélection particulièrement judicieuse de pièces de Jean-Sébastien Bach et de son fils Carl Philipp Emmanuel. Du père, elle retient l'Aria variata BWV 989, page ingrate s'il en est car le compositeur suit ici un schéma assez conventionnel, bien éloigné de la puissance inventive qu'il déploiera dans les célèbres Variations Goldberg. Néanmoins, Jocelyne Cuiller parvient à rendre captivante l'audition de ces variations dont trop d'interprètes ne parviennent pas à casser le caractère quelque peu mécanique. Au contraire, en véritable architecte, elle construit l'ensemble et trouve pour chaque variation le toucher et les nuances qu'elles requièrent. Avec un même talent, elle aborde la Fantaisie en la mineur BWV 922 et la Suite en la mineur BWV 996. Dans la première, elle joue avec un égal bonheur du rapport entre musique et silence ainsi que des nuances dynamiques. Ces dernières nous protègent également de l'ennui que pourrait générer une écriture où les mêmes formules se répètent à l'envi. Sous ses doigts qui, tour à tour, caressent et martèlent le clavier, l'instrument livre toutes ses possibilités. Dans la seconde, elle assure un bel équilibre entre les différentes danses qui la composent. Carl Philipp Emmanuel Bach, dont on sait le rapport étroit qui l'unissait au clavicorde, est représenté par une heureuse sélection de pièces pour clavier comprenant entre autres les Variations sur les Folies d'Espagne, page brillante que l'interprète choisit d'aborder en privilégiant l'intériorité au panache. En effet, l'œuvre de Carl Philipp Emanuel ne se révèle pleinement que si on en souligne les frémissements, le caractère fiévreux, les interrogations, les " ombres errantes ". A cet égard, personne avant Jocelyne Cuiller n'a sans doute abordé avec une telle intelligence et une telle sensibilité la merveilleuse Fantasia en Do Majeur, page faite toute entière d'interrogations douloureuses, de réponses se concluant en points de suspension lorsqu'elle n'est pas animée de passages véhéments ou, au contraire, s'irradie de la douce lumière d'un épisode tout de tendresse et d'apaisement. C'est là l'expression d'une passion qui annonce les grands émois du Romantisme naissant. Pour cette monumentale Fantaisie, et pour l'art suprême avec lequel Jocelyne Cuiller en a sublimé le contenu, il serait impardonnable de ne pas écouter ce disque.

PW    

 

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