Éditorial

L'édito du rédac'chef

 

La traversée du désert

Chaque été, la même désolation frappe le paysage discographique classique. Tandis que de nombreux festivals témoignent d'un intérêt de plus en plus soutenu pour le concert, la musique enregistrée s'enfonce, chaque année davantage, dans une morosité qui semble ne devoir jamais connaître de terme. Non point que messieurs les éditeurs aient mis la clé sous le paillasson pour s'imprégner, trois ou quatre mois durant, des ardents rayons de Phoebus mais, tout simplement, parce que, au fil des ans, une logique commerciale s'est développée qui fait que, de décennies en décennies, tout l'effort ne semble plus porter que sur les seules fêtes de fin d'année. Passées celles-ci, la tension se relâche rapidement et rares sont les parutions qui viennent ravivent ce brasier presque éteint.  Où est passé le bon temps des “souscriptions“ qui rythmaient l'année discographique. D'automne, de Noël ou de printemps, elles apportaient une fraîche moisson d'enregistrements neufs, d'intégrales  - références absolues jusqu'à nos jours - ou d'inédits dont la seule annonce suffisait à faire craquer les tympans les plus réticents…

Aujourd'hui, il serait sot d'affirmer que rien ne paraît durant l'été mais on est pas loin du “presque rien“. Beaucoup d'enregistrements dont on ne sait trop l'utilité : mêmes œuvres ressassées, même répertoire exploité à l'infini, modes éphémères…. Avec, de temps à autres, une heureuse découverte, un petit rayon de soleil musical qui déchire une grisaille parfois bien pesante.

Tout cela signifie-t-il que, a moins de vingt ans de sa mise sur le marché, le disque compact aurait offert tout ce que le public attendait de lui et que, face à une telle inflation d'enregistrements, tout honnête homme estime avoir atteint un seuil dans la constitution de sa discothèque qu'il estime ne plus devoir franchir ? Il y a peut-être de cela comme il y aussi le coût des productions. Créer un événement avec les orchestre symphoniques les plus prestigieux et,  de surcroît, avec les plus grands solistes du moment est évidemment un risque que peu hésitent encore à prendre car il faut des reins vraiment solides. Ce que les éditeurs plus modestes ne peuvent s'offrir, privilégiant dès lors des phalanges moins renommées - ou moins exigeantes sur le plan financier - ainsi que les petits ensembles ou solistes, lesquels n'ont pas trente-six solutions à offrir : ou bien, ils ré-enregistrent ce que d'autres ont enregistré, souvent tellement mieux, ou bien ils sortent courageusement des sentiers battus en offrant des inédits dont l'intérêt est variable et qui, de toutes façons, pâtissent du manque de notoriété de leurs interprètes.

C'est là un cercle vicieux qui n'est pas prêt de se briser car, pour y arriver, il faudrait la conjonction de tous les acteurs de la vie musicale, du monde des médias et de la vie économique. L'opinion bien arrêtée de la plupart sur le caractère “élitiste“ de la musique classique, d'une part, et l'offre exponentielle de biens culturels en tous genres, d'autre part, à de quoi en décourager plus d'un dans sa volonté de faire bouger les choses. Dommage car, inexorablement, des pans entiers du répertoire classique, sommeillent dans l'attente non pas d'être enregistrés, car ils le sont, mais, tout simplement, d'être écoutés. Ce qui ne pourra se faire que moyennant une sensibilité nouvelle, laquelle ne s'éveillerait que s'il existait une parfaite conjonction de tous les acteurs…. Etc…   

En attendant, profitons des quelques très beaux disques que cet été a bien voulu laisser passer, à commencer par cet exceptionnel “Orfeo“ de Glück dirigé par René Jacobs ainsi que d'autres encore que nos collaborateurs se font un plaisir de commenter pour vous inciter à partir sur les chemins de la découverte. Vous pourrez le constater, pour que celle-ci soit plus confortable encore, notre présentation a changé, les couleurs se sont faites plus douces pour la lecture et nos listes de sites spécialisés, devenues trop longues, obéissent à présent à un classement alphabétique qui facilite grandement les recherches.

Notre dossier du mois, réalisé par Françoise Viot,  guidera vos premiers pas dans l'univers merveilleux de la valse. De quoi tourbillonner gaiement dès la rentrée et aborder dans la sérénité une nouvelle saison prometteuse sur le plan musical tel qu'en atteste le programme des concerts que nous épinglons semaine après semaine. Que cette saison vous comble de joie, c'est ce que nous souhaitons intensément pour vous, en vous remerciant déjà de votre fidélité à “Travers-sons“.

Pierre WATILLON
Rédacteur en chef 
Septembre 2001

 

     
 

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