Les lieder
Hugo Wolf pratique l’art de la miniature qu’est
le lied à une époque où les grandes
formes comme les symphonies de Gustav Mahler et de Anton
Bruckner semblent être devenues la norme de composition.
D’autres compositeurs romantiques s’y étaient déjà
essayés avec succès : Franz Schubert et Robert
Schumann qui furent sources d’inspiration pour les débuts
de Wolf. Cependant, ce dernier envisage la forme d’une manière
toute personnelle.
Dès le titre, tout est dit : «
Poèmes de … pour voix et piano mis en musique par
Hugo Wolf ». Le texte, dans son contenu sémantique
comme dans sa syntaxe, est son objet principal de préoccupation.
La poésie est la source même de la musique.
Il s’agit ici de capturer la pensée profonde du poète
et de lui donner une existence sonore. Sa méthode
de travail consiste à lire le texte à voix
haute jusqu’à ce que la mélodie émerge
d’elle-même de la phrase, génératrice
des intervalles et du rythme. La courbe du chant acquiert
une forme singulière, donnant naissance à
une déclamation lyrique nouvelle : le recitativo
arioso. Le piano est mis sur un pied d’égalité
avec la voix : il prépare l’atmosphère de
la pièce par un prélude et la prolonge par
un postlude. Son rôle est capital dans la réalisation
d’ensemble, non pas un simple accompagnement mais un partenaire
du chant.
Hugo Wolf trouve une solution inédite
pour chaque émotion exprimée par le poète,
réalisant ainsi des portraits d’une surprenante véracité.
Son écriture devient, à elle seule, un langage
traduisant le réalisme psychologique des personnages.
Ainsi, le chromatisme traduit les mouvements subtils de
l’âme humaine, ce chromatisme poussé à
sa limite extrême conduit à une dissolution
de la tonalité, saisissant le côté pathologique
d’un personnage comme c’est le cas dans les trois Harfenspieler
extraits des Goethe-Lieder. On trouve dans l’ensemble de
ses lieder, aussi bien dans la ligne vocale que dans l’accompagnement,
des formules symboliques équivalentes aux leitmotive
des opéras de Richard Wagner. La complexité
du résultat final est bien éloignée
de la forme traditionnelle du lied. Ce sont les écoutes
successives qui dévoilent progressivement les plans
du compositeur, s’imbriquant les uns dans les autres telles
des poupées russes.
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