Benjamin Britten
Le compositeur anglais du XXe siècle
qui trouva le plus d’écho à l’étranger
fut sans conteste Benjamin Britten (1905 - 1976). Sa capacité
de créer une adéquation entre la ligne mélodique
naturelle, idéalement écrite pour l’organe
vocal et le texte poétique, le destinait tout naturellement
à exceller dans le drame lyrique et la mélodie,
renouant ainsi avec la tradition de Purcell, autre grande
figure du patrimoine musical anglais.
Grâce à sa rencontre avec Frank
Bridge, il entreprit des études musicales au Royal
College of Music. Ce fut un pianiste remarquable, accompagnateur
de ses propres mélodies ou interprète des
œuvres d’autres compositeurs ainsi qu’un chef d’orchestre
recherché (EB9022). Sa rencontre avec le ténor
Peter Pears donna naissance à un tandem musical qui
fut à l’origine de beaucoup des mélodies que
Britten écrivit tout au long de sa vie.
Dès l’âge de dix-sept ans, il
commence à composer et ce sont d’emblée des
pièces maîtresses qui jaillissent de sa plume
: Sinfonietta (EB8598)
pour orchestre de chambre et la Simple Symphony
(EB8672)
suivies par Our Hunting Fathers (EB9099)
pour soprano, ténor et orchestre. La Simple Symphony
connut la faveur du grand public grâce à une
écriture abordable pour tous. Les Variations
on Theme from Frank Bridge (EB8629)
appartiennent de la même époque. Suivirent
Les Illuminations (EB9062)
sur les poèmes de Rimbaud et les Seven Sonnets
of Michelangelo (EB9142),
confirmant le goût de Britten pour les auteurs classiques.
Son écriture est à cette époque
teintée de néo-classicisme, ce que certains
lui reprocheront. Mais un événement dramatique
allait grandement modifier l’état d’esprit du compositeur
: le conflit mondial de 1940. Après sa Sinfonia
de Requiem (EB8580), Paul Bunyan
(EB8848)
se présente comme sa première œuvre lyrique
dramatique.
Ce fut un opéra qui propulsa Britten
au sommet de la renommée en Angleterre mais aussi
sur le continent : Peter Grimes (EB8855). Le succès
de ce drame lyrique s’explique dans le sens de la dramaturgie
que possédait Britten, il était capable d’éviter
le statisme tout en distillant la tension sur la durée.
Son thème favori tourne autour de l’innocence outragée.
Sa compétence étendue dans le domaine de l’orchestre
ainsi que sa faculté d’écrire idéalement
pour les voix s’ajoutent encore aux qualités intrinsèques
de la pièce.
Choisissant la formule de l’opéra
de chambre, Britten composa successivement The Rape
of Lucrecia (EB8867) d’après une adaptation
de la pièce de Shakespeare et Albert Herring
(EB8872), une brillante comédie dans le goût
des Savoy Operas.
La symphonie chorale Spring Symphony (EB8640)
précéda l’opéra Billy Budd
(EB8888)
inspiré de la nouvelle d’Herman Melville. La violence
de la partition et le retour au thème de l’innocence
outragée en firent un succès mitigé.
Appartenant à la même inspiration, The
Turn of the Screw (EB8899),
d’après la nouvelle célèbre de Henry James, crée un sentiment
d’angoisse par l’économie des moyens mis en œuvre, l’orchestre
de chambre et la subtilité de l’écriture ayant recours à
un thème de douze notes sans trahir la tonalité.
Toujours dans le domaine lyrique, A Midsummer
Night’s Dream (EB8909)
d’après Shakespeare, introduit un pupitre de percussions
plus coloré. Toujours fidèle aux auteurs classiques,
l’opéra pour la télévision Owen
Wingrave s’inspire d’une autre nouvelle de Henry James
tandis que le dernier opéra de Britten Death
in Venice (EB8926)
fait appel à un roman de Thomas Mann. Death in
Venice est une œuvre pessimiste présentant une
filiation avec The Turn of the Screw dans laquelle
le sens mélodique, le refus de toute rhétorique
ou d’effet gratuit sont portés à un sommet.
Le ballet The Prince of Pagodas (EB8620)
inaugure un type d’orchestration plus lumineuse.
Composé à l’occasion de l’achèvement
de la reconstruction de la cathédrale de Coventry
détruite par les bombardements de la Seconde Guerre
mondiale, le War Requiem (EB8970)
fait appel à un effectif important et dénonce
l’absurdité de la violence sans jamais tomber dans
le grandiloquent. Le rituel latin de la messe pour les défunts
est juxtaposé avec des poèmes de Wilfred Owens.
Britten a voulu en faire une œuvre dont le sujet est la
guerre et la grande compassion qu’elle lui inspire.
Appartenant au domaine de la musique religieuse,
les trois opéras d’église que sont
The Curlew River (EB8937), The Burning Fiery
Furnace (EB8940) et The Prodigal Son
(EB8946)
font preuve d’une écriture rigoureuse, voire austère.
Ils sont destinés à être représentés
sur un parvis d’église comme les mystères
médiévaux.
Un grand nombre de mélodies dont on
retiendra ses arrangements de mélodies traditionnelles
: les Folksongs (EB9186
- EB9190)
auxquels s’ajoutent des Cabaret Songs (EB9205)
prouvent en abondance son talent à écrire
pour la voix.
Dans le domaine de la musique instrumentale,
la rencontre avec le violoncelliste Mstislav Rostropovitch
allait donner naissance à une Sonate pour violoncelle
(EB8772), une Symphonie pour orchestre avec violoncelle
(EB8580) et trois Suites pour violoncelle seul
(EB8786). Il écrivit aussi un Concerto pour piano
(EB8605), un Concerto pour violon
(EB8605) et un
Double concerto pour violon et alto (EB8598)
Sa musique de chambre, quoique moins connue,
comporte des œuvres appréciables tels les trois quatuors
à cordes (EB8706).
Deux éléments furent à
la base d’un répertoire spécifique que Britten
avait déjà expérimenté avec
succès : la musique destinée aux enfants.
Son installation à Aldeburgh (Norfolk) l’incita à
y créer son propre festival après avoir fondé
sa propre compagnie, The English Opera Group. De ces initiatives
allaient naître The Young Person’s Guide to the
Orchestra (EB8505), Let’s Make an Opera
(GD4596),
The Little Sweep (EB8882 ) et Noye’s Fludde
(EB8904).
Dans The Young Person’s Guide to an Orchestra,
Britten utilise un thème de Purcell traité
en chaconne de manière à faire entendre ce
même thème passant d’un instrument de l’orchestre
à un autre. Cette œuvre d’une grande valeur pédagogique
ne perd rien de sa qualité musicale. Elle illustre
le souci du compositeur de rendre la musique accessible
à tous. Let’s Make an Opera invite le public
à participer à l’élaboration du spectacle
tandis que Noye’s Fludde est destiné, lui,
à être interprété par des enfants.
Dans A Ceremony of Carols (EB9034)
pour chœur d’enfants et harpe, des poèmes en vieil
anglais sur le thème de la naissance de l’enfant
Jésus sont mis en musique de manière faussement
archaïque, mettant en valeur la simplicité et
l’économie des moyens employés. Hymn to
St Cecilia (EB9019)
pour chœur d’enfants a cappella appartient à la même
source d’inspiration ainsi que des compositions diverses
destinées aux choeurs des collèges (EB9027
- EB9018
- EB9042).
L’œuvre de Benjamin Britten est considérable
par sa variété et sa qualité. Comme
chez la plupart des compositeurs anglais, on ne trouve pas
chez lui le désir de vouloir révolutionner
l’écriture musicale en introduisant un système
innovant. Il s’attache plutôt, tout en puisant dans
le patrimoine musical anglais, à exprimer les émotions
de ses contemporains, faisant ainsi une synthèse
subtile du passé et du présent. En cela, il
n’est pas sans évoquer la manière d’un Francis
Poulenc, bien qu’il fasse preuve à certains moments
d’une violence d’expression plus affirmée. Il est
assurément un des grands compositeurs européens
de ce XXe siècle.
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